C'est en 1997, dans un contexte assez difficile de douleur et de remises en question, que Lukather sort son 3ème album solo. Après sa séparation d'avec sa compagne, la perte de son frère de cœur, l'immense Jeff Porcaro (batteur et complice dans Toto mais aussi sur le superbe album solo précédent "Candyman") et la mise en pause de son groupe Toto, Lukather est dans une drôle de passe. Tout cela se ressent dans cet album très personnel et très justement intitulé "Luke". On y retrouve la peine, l'introspection, la douleur, et aussi une certaine confusion qui donne l'impression de tourner en rond pour aller nulle part (surtout dans la seconde partie de l'album). Loin des effusions Rock de son premier effort, de la musique lumineuse et riche de son groupe de toujours, loin des effusions Jazz/Rock de "Candyman", notre guitariste chanteur déroule une bande musicale aux structures très classiques qui ont bercées sa jeunesse, un Rock standard aux relents parfois Folk, qui favorise le texte plutôt que l'explosion musicale.
Dôté d'un son plus cru, enregistré majoritairement en condition de Live avec Gregg Bissonette à la batterie et Phil Soussan à la basse, cet album vous laissera entendre des sons plutôt rares chez Luke comme de l'harmonica, de la Pedal Steel et du mellotron (sur le lumineux "Tears Of My Own Shame" au gout de café froid). Sur certains titres comme "Tears Of My Own Shame" ou la jolie reprise "Bluebird" au riff éternel qui redore cette fin d'album, le solo est même maintenu intact, avec ses imperfections.
Tout débute plutôt bien avec l'enchaînement de trois titres brillants par leur ligne de chant, leur mélodie de guitare et l'énergie positive qu'ils dégagent. Rock assez direct composé avec "Fee Waybill", "The Real Truth" possède un refrain fort et "Broken Machine", tout en douceur et à la voix un peu trafiquée (encore une surprise), une fois de plus basée sur une belle mélodie de guitare, reste agréable bien que mélancolique. "Love The Things You Hate" sonne très Toto période "Tambu", alors que la ballade "Hate Everything About You" se pare d'ambiances Folk. Délicieux, aux paroles superbes (que Luke a depuis transformées en concert puisque le Wish It Was True en fin de refrain est devenu So Fuck You, comme quoi on finit toujours par se remettre d'une rupture amoureuse), ce titre est sans doute le moment le plus inspiré de l'album.
Après cela, "Luke" se maintient dans le sympathique mais sans grande profondeur. "Don't Hang Me On", plus costaud, pourrait sortir du lot s'il n'était pas si creux. "Always Be There For Me" est une ballade agréable, tout comme "Open Your Heart" sur laquelle figure David Paich, mais il semble toujours manquer quelque chose pour donner à ces titres une aura particulière qui leur permettrait de passer le cap des multiples écoutes. Les idées sont là, souvent bonnes comme des ponts accrocheurs, des chœurs à la Beatles, des sonorités nouvelles mais, toujours sans comprendre pourquoi, ça ne passe pas très bien.
Un album pas mauvais au final mais rendu moyen par la présence de titres qui semblent inaboutis. Il fait en tout cas bien pâle figure entre un "Candyman" brillant et au casting de rêve et "Ever Changing Time" qui sortira plus de dix ans après et qui cette fois fera preuve d'une grande inspiration et d'une richesse incomparable.