Comme dans tout bon mélo maritime, le capitaine se doit de couler avec son bateau lors des naufrages. Avec les fuites successives de son équipage, Tom S. Englund, leader charismatique et dernier membre fondateur d’Evergrey aurait pu maintes fois jeter l’éponge. Mais parfois une séparation suffit à refaire émerger une appétence bridée jusque là par quelques différents. Maintenir à flot la caravelle scandinave était d’autant plus risqué que désormais les deux tiers des compositeurs avaient déserté. Seulement voilà, l’association d’Englund et de Zander, duo créatif depuis "Recreation Day" connut un sursaut d’orgueil et s’entourant de trois nouveaux matelots aux cordes et à la batterie, reprirent la barre de cette si belle aventure.
Continuant sur la vitesse engrangée sur "Torn", Evergrey se gargarise pourtant quelque peu de ses acquis en proposant la même formule désormais bien connue de velléités plus ou moins progressives et envolées mélodiques. En fait, peu de choses semblent avoir égratigné l’épiderme de la bête de Göteborg, les nouvelles recrues paraissant avoir ouvertement remis les costumes de leur prédécesseurs à la couture près. Le changement de studio d’enregistrement et le focus pointé sur le son n’y changeront rien. Aux extrémités, le groupe balance quelques pains suédois (à l’instar de l’introduction de "Frozen" et des martèlements des fûts de Van Dahl) mais aussi des ballades larmoyantes (notamment "...And The Distance", repris par la femme et coach vocal d’Englund en titre bonus) pas foncièrement indispensables.
Evergrey ne parvient ainsi plus à surprendre, mais il sait toujours captiver grâce à l’application apportée à la confection des treize compositions et surtout l’émotion qu’elles procurent. L’entame de "Glorious Collision" à l’image de "You" ou encore "To Fit The Mold" (« ce titre contient tout ce qu’est Evergrey, admet Zander, il est mélodieux, sombre, beau et heavy ») en est la palpitante illustration. L’avenir du personnage de la pochette n’est donc heureusement pas prémonitoire concernant le contenu de la galette. Loin de chuter, le combo a su ardemment rester en selle pour repartir au combat.
La nouvelle mouture d’Evergrey ne fera sans doute pas l’unanimité. Si ses détracteurs se focaliseront à n’en pas douter sur le manque d’audace, on aura cependant mauvaise conscience à leur reprocher d'éviter les virages trop anguleux en ces temps d’incertitudes. D’autant que le résultat est pour le coup bel et bien glorieux. Evergrey est grand et il le prouve encore un fois…