Eric Valley persiste et signe, pour une musique éminemment symphonique. Elle établit une connexion avec les grands espaces. Ceux des songes introspectifs, de contrées sauvages et lointaines, de dimensions parallèles ? Il n’y a pas de frontières pour le compositeur. Ces mondes réels et oniriques sont interdépendants... Ils s’entrecroisent, s’interrogent, se nourrissent les uns des autres.
Avec "Secret Lake", vous pouvez tout aussi bien effectuer l’expérience d’un voyage astral sans retour que faire face à la furie d’éléments déchaînés, chevaucher une monture emballée ou affronter un adversaire chimérique dans un duel sans merci, ou encore vous élancer à la poursuite d’une quête ésotérique passant par tous ces défis. Une légère inflexion musicale, et vous voilà de nouveau en équilibre instable, votre environnement reprenant des allures menaçantes, au moment où vous pensiez avoir gagné un sursis. "Secret Lake" ne vous soustrait à l’emprise de ses démons que pour mieux vous livrer à eux.
La guitare métallisée colle à la peau ; les cordes symphoniques prêtent serment, pour ne jamais faillir à leur héroïque dessein. Le piano est tour à tour romantique et mélancolique, les nappes synthétiques s’envolent au-dessus des nuages, alors qu’à l’autre bout de l’orchestre, les cuivres semblent taillés dans le fer qui pourfend les corps, sur la scène de sanglants et immémoriaux champs de batailles. Le projet s’appuie notamment sur le presque éponyme "Secret Lake’ Suite", méritant bien son extension, pour avoisiner les 15 minutes ; un moment particulièrement visuel, et d’ailleurs mis en images par l’artiste - également réalisateur et infographiste pour la circonstance, pour la création d’un épique diaporama de même durée. On y découvre un démon et un ange (en très belle jeune femme), habitant un même lieu. La seconde créature pourrait tout à la fois être l’ange-gardien et la protégée d’un oracle, ou d’une parole musicale. Mais le père de cette parole, un fervent guitariste, ne semble pouvoir invoquer l’ange sans éveiller le démon…
"Secret Lake’ Suite" s’accapare-t-il les honneurs de l’épopée ? Non, car l’album est solidement cohérent : pour Eric, et il nous l’a déjà démontré à l’occasion de l’opus précédent, pas question de laisser s’effilocher la trame qualitative. A l’image de sa suite et de son scénario, "Secret Lake", tout en suivant le classique cheminement progressif des alternances émotionnelles, est une lame forgée en un seul bloc, dont la beauté et le tranchant ont le même éclat.
Eric Valley est un fonceur ; il engage son œuvre sur la voie qu’il a choisie, sans aucune retenue, comme il mènerait la charge d’une cavalerie. Ici, pas de chemin détourné, de fioritures en figures de styles ou d’arrangements triturés. Mais ne vous y trompez pas : à sa manière, la musique de "Secret Lake" est exclusive. Alors oui, les détracteurs de ce concept instrumental et synthétique pourront reprocher la relative froideur de sa sonorité, la linéarité de la batterie ou l’omniprésence des cordes symphoniques. Quelques arguments faisant hésiter la notation à opter pour le palier supérieur. Oui, "Secret Lake" pourra laisser de marbre les allergiques des univers héroïco-fantaisistes, mais il ira droit au cœur des adeptes de son imagerie musicale. Pour eux, voici donc 52 minutes de puissantes émotions rock et progressives. Rien de moins !