A-Ha se cherche un nouveau style. Il semblerait que la période synthpop soit arrivée au bout d’un certain cycle ; les claviers se font plus discrets, les sonorités et les riffs de guitares s’affirment et gagnent du terrain. Pour autant, la musique des Norvégiens est-elle aussi à l’aise dans ce nouveau registre que dans celui de son berceau originel ?
La réponse doit être nuancée. Tout d’abord, il convient de constater que la production est déséquilibrée, même si le diagnostic en la matière n’est pas de même nature que celui que l’on peut établir pour l’album précédent. "Crying In The Rain" ouvre le programme à la manière de l’éponyme de "Stay On These Roads", sur une belle tonalité romantico-poétique.
"If I wait for cloudy skies, you won’t know the rain from the tears in my eyes"... Ne reconnaît-on pas la verve littéraire de A-Ha ? En fait, il ne s’agit que d’une correspondance d’inspiration, car ni la musique, ni les paroles de ce titre ne sont signées par les Norvégiens (cas assez rare dans leur discographie).
Mais la suite de l'épopée, sur sa première moitié, peine à imprimer sa couleur thématique. De "Early Morning" jusqu’au peu convaincant "East Of The Sun", l’ambiance évolue quelque peu en marche désordonnée, entre nonchalance, désinvolture, essais (vaguement) festifs et nostalgie méditative. Quels qu’en soient les accents, les émotions procurées par cette livrée incertaine demeurent plutôt superficielles.
Heureusement, le deuxième acte sauve le projet, même si la cohérence reste perfectible ; "Waiting For Her" est très joliment composé, mais sa vocation véritable était manifestement de monter à bord de "Stay On These Roads". De leur côté, "Sycamore Leaves" et "Cold River" se revendiquent d’une écriture sobre et accrocheuse, et cela fonctionne plutôt bien, pendant que "The Way We Talk" joue la carte d’une vocalise aussi brève qu’expérimentale ; et étonnante ! Enfin, signalons une mention toute spéciale pour le talentueux "Rolling Thunder", réalisant la jonction de l’emphase instrumentale chère aux premières inspirations du groupe et des ponctuations plus austères qui caractérisent ce projet, et aussi un réel coup de cœur pour la conclusion de "(Seemingly) Nonstop July", un modèle de mélancolie introspective, sur fond de voix sèches et accusatrices. Un tour de force.
Sur le fond, la musique de A-Ha conserve sa capacité à innover. Sur la forme, elle évolue doucement vers le Rock, en dépit des aléas qualitatifs de ce premier virage. Une mutation qui n’est pas inintéressante, et la suite prouvera que les choix artistiques des Norvégiens seront capables de trouver leur mordant tout aussi bien en ce domaine que lorsque la machine sera (ré)employée avec son huilage d'origine.