Ponctuation s’il en est, en ce long fleuve bruitiste et synthétique du rêve mandarine, "Cyclone" a recours aux vocalises sur deux des trois titres qu’il embarque. Un fait d’armes assez peu habituel, tout au moins sur cette première phase musicale de la décennie 70 et du début des années 80.
Il convient toutefois de pondérer l’ampleur du constat, car les prestations chantées se limitent à prendre place sur l’ouverture et sur la clôture de "Bent Cold Sidewalk", ainsi qu’à la dynamisation du marathonien "Rising Runner Missed By Endless Sender". Marathonien ? Non que sa rythmique soit endiablée, mais parce que son soutien vocal lui permet réellement d’évoquer l’idée de concentration et d’effort physique liés à la performance réalisée par un coureur.
Mais ce second titre représente moins de 5 minutes sur la durée totale du projet, et on peut dire que les Allemands de Tangerine Dream n’entendent pas sacrifier la prépondérance instrumentale de leur fond de commerce ambient-électro sur l’autel d’une innovation vocalo-narrative trop radicale. Certainement pas ! Après le cérémonieux "Bent Cold Sidewalk" et l’original "Rising Runner…", "Cyclone" consacre plus de vingt minutes à "Madrigal Meridian", une épopée se situant dans l’exacte lignée des longues considérations sinusoïdales d’Edgar Froese, généreusement servies par les insatiables et ténébreux claviers de l’armada germanique.
Une remise en phase tellement disciplinée qu’elle en devient, cette fois, contre-productive : ce "Madrigal Meridian" traîne en longueur, et peine à clarifier son objectif. Non seulement s’installe rapidement un sentiment de déjà entendu, mais de surcroît le final de l’aventure ne nous récompense guère de notre patience, s’égarant en deux ou trois phases assez peu consistantes et surtout sans rapport les unes avec les autres.
Sur les deux premiers titres, il en reste que la prestation chantée de Steve Jolliffe aux reflets tantôt métallisés, tantôt policés, et aux accents prédicateurs, est une bien belle réussite, apportant à l’œuvre du rêve mandarine un éclairage assez nouveau, sans dénaturer la teinte énigmatique de sa substance vitale.