Central Park est une formation allemande qui aura bientôt 30 ans d’existence ! Pour un parcours quelque peu chaotique, ou tout au moins, inhabituel. Pour aller à l’essentiel, sachez que le groupe a officié sur scène de 1983 à 1989, en tant que fidèle contributeur à l’essor du rock progressif à la sauce germanique, mais sans aucune réalisation discographique. Puis, c’est la disparition brutale du paysage musical… Avant la résurrection en 2006, avec la publication d’un tout premier album en double CD/DVD, "Unexpected". Pour cet événement en effet inattendu, on peut dire que nos Allemands n’ont pas fait les choses à moitié !
S’ensuivra un lifting de line-up en 2010, et pas des moindres, puisque le lead vocal est renouvelé, et en ce début d’année 2011, nous arrive ce deuxième projet, "Reflected". Qu’en est-il de la musique ? C’est assez difficile à cerner, le style de Central Park se voulant tout aussi atypique que l’a été son historique. L’évocation d’un Krautrock, résultant par définition d’un croisement d’influences, pourrait donner une base à l’analyse.
La première chose qui saute aux oreilles, c’est le grain vocal de la nouvelle recrue féminine, Jannine Pusch, assez peu usuel en ces eaux progressives : une sorte d’hybridation entre les accents de Kate Bush et d’Annie Lennox (Eurythmics), voire ceux plus oniriques de Julianne Regan (All About Eve), cela donne à penser que la méthode narrative est plutôt d’obédience pop ou new-wave. Mais cette musique est-elle encore progressive ?
Oui, si l’on en juge la construction des morceaux, et l’alternance des thématiques émotionnelles, tour à tour méditatives, éruptives, éthérées. En revanche, s’agissant de la mise en forme, l’éclectisme est à l’honneur.
"Guns Rus", ouvrant le projet, témoigne d’une ombrageuse énergie combative, sous la bannière d’un gros (et talentueux) rock aux couleurs prog’ et métallisées ; l’une des meilleures pièces, certainement, de ce "Reflected". "White Princess" étale sa philosophie bruitiste et néo-expérimentale, avant de déchaîner les foudres d’un mellotron endiablé, qui ferait jurer que l’esprit d’un King Crimson ou d’un ELP s’apprête à la main mise sur la suite de l’épopée. "Another Part" annonce de son côté une ambition atmosphérique, faisant la part belle au chant de la guitare, alors que "Vision" s’octroie la liberté d’associer les extrêmes, mêlant les considérations d’inquiétantes et planantes vocalises gutturales aux déluges de dissonantes sonorités apocalyptiques. Le dispensable "Doom", pour donner encore un exemple, préfère adopter la démarche d’un rock alternatif sensiblement plus conventionnel.
En dépit de cette diversité stylistique, la couleur sonore de l’ensemble est plutôt cohérente. Quant à la ligne mélodique, elle ne se montrera jamais totalement affirmée, mais la musique des Allemands en retire un certain charme : c’est justement ce flottement vocal, au-dessus de l’épaisseur instrumentale, avec ses tournures et ses accents aléatoires, qui confère au projet son potentiel de créativité et d’originalité. "Reflected" est tout sauf prévisible.
Au final, que conclure ? Il paraît difficile d’adhérer en douceur à cette galette, dont la forme et le fond embarquent nombre de circonvolutions complexes, parfois contestables. Mais, l’accoutumance aidant, il est tout aussi difficile d’affirmer que sa griffe n’aura pas, à un moment ou l’autre, un impact inédit sur vos sens auditifs.