Il a suffit d'un seul album - mais quel album ! - à Reverend Bizarre pour d'une part s'installer sur le trône du Doom et d'autre part permettre au genre de redevenir à la mode si tant est que celui-ci l'ait déjà été. Oeuvre devenue culte dès sa sortie, In The Rectory Of The Bizarre Reverend a poussé à son paroxysme cet art de la lenteur pachydermique et ce sens de l'inexorabilité, autant de signes ostentatoires de la déesse Doom, comme aucun autre pasteur n'était arrivé à le faire avant lui. Que faire alors quand on a accouché d'un tel monument ?
Et bien on propose un EP de sept titres pour ni plus ni moins que 74 minutes de musique ! Qu'ils sont taquins, ces Finlandais ! Balisé par trois pistes instrumentales plus courtes, le cœur de Harbinger Of Metal n'est en réalité formé que de quatre morceaux d'un Doom mythologique d'une démesure hallucinante. A leur écoute, on ne peut s'empêcher de penser que le trio a voulu aller encore plus loin que là où son premier essai l'avait entraîné et franchir les limites de l'indicible.
Car n'en doutez pas, le Doom n'est pas seulement une musique pour Hippies ou motards, il est avant tout un temple noir et extrême. Le fait que le groupe ait décidé de reprendre le gigantesque "Dunkelheit" (dont il est finalement d'ailleurs le seul à en délivrer une relecture acceptable) du décrié Burzum qu'il transforme en un hymne agonisant, tend à prouver que le groupe se sent davantage connecté au Black Metal occulte qu'au stoner, rejeton gentillet de la musique de l'apocalypse.
Si "Strange Horizons" rassure en ouverture, guidé par la voix au ton solennel de Albert Witchfinder, "From The Void" est un véritable supplice qui, du haut de ses 20 minutes, se mérite. Après une première partie interminable qui redonne tout son sens au mot Doom et dont on se demande s'il s'agit d'une introduction, Earl Of Void se fend ensuite d'un solo de batterie (?) avant que le tempo s'alourdisse encore un peu plus quand bien même une guitare biberonnée aux années 70 vient poser quelques notes salvatrices. Autant dire que seuls les pélerins les plus méritants sauront parvenir au bout de ce Golgotha tellurique. Du coup, "The Wandering Jew" parait presque lumineux en comparaison, bien qu'il soit lui aussi miné par un sentiment d'extrême tristesse, par une faute qu'il est impossible d'expier, et vibrant de cette force souterraine, substrat sismique sur lequel repose l'église.
Mieux qu'un simple EP bricolé à la va-vite, Harbinger Of Metal confirme l'écrasante suprématie du Reverend Bizarre qui poursuit son plan quinquennal établi depuis ses débuts. La mort se rapproche...