La comparaison est osée mais il n'en demeure pas moins que Reverend Bizarre fut au Doom ce que Dream Theater est au metal progressif, soit une espèce de figure tutélaire avide de marathons discographiques. Encore une fois, Crush The Insects, seconde enclume (très) longue durée de nos trois vicaires préférés, est remplie jusqu'à la gueule (73 minutes pour seulement huit pistes !) et délivre son quota de plomb.
Préparé par un single de plus de 20 minutes (?), Slave Of Satan, et précédé par des palettes entières de rondelles diverses (splits, réédition de la démo désormais culte Slice Of Doom sans compter les "EP" Harbinger Of Metal et Return To The Rectory), destinées à étancher la soif de ses fans toujours plus nombreux, cet album poursuit le programme élaboré depuis la gestation du groupe, second côté d'un édifice qui en comportera trois. Il voit ses auteurs sculpter leur doom apocalyptique tout en faisant remonter à la surface des racines NWOBHM qui ne faisaient jusqu'à présent qu'affleurer à la surface. Les trois premières cartouches le prouvent.
Courts (selon les standards du trio, s'entend), "Doom Over The World", une sorte d'hymne qui a quasiment valeur de manifeste, "The Devil Rides Out" et son accélération finale à la old Maiden et "Cromwell" transpirent par tous leurs pores ce fluide Heavy et roots que le révérend sait transcender et s'approprier, parvenant à le couler dans son creuset tellurique.
Après ce début des plus accrocheurs, eu égard aux habituels canons en vigueur chez nos Finlandais, "Slave Of Satan" (ici proposé dans sa version "expurgée" de seulement 13 minutes !), forme la première étape d'une marche de pénitents. Le titre progresse à la vitesse d'une limace ayant absorbé du Valium par boîte de 12 et c'est une pesanteur digne d'une fin du monde qui semble s'abattre tout doucement sur nous.
Tandis que "Concil Of Ten" et plus encore "Fucking Wizard" sont directement alimentés à la source du genre, c'est-à-dire le Black Sabbath originel, référence évidente durant leurs finals du feu de dieu, "By This Axe I Rule" illustre le schéma qu'affectionne souvent le groupe : un rythme lent et plombé pour ne pas dire monolithique puis une échappée en fin de parcours avant que la lumière ne s'éteignent de nouveau ou non.
Batterie primitive, basse pleine de rondeur, guitare porteuse de toute la misère du monde et chant habité définissent une musique à nulle autre pareil, tant les trois et indivisibles musiciens ont une manière bien à eux de jouer sur la durée, d'emplir l'espace, d'étirer jusqu'au bord de la rupture des motifs pourtant d'une simplicité exemplaire. A ce titre "Eternal Forest, qui ferme (presque) le cercueil de ses clous recouverts d'une rouille d'inexorabilité, est un modèle du genre. Miné par une tristesse infinie, il est une interminable procession d'une linéarité aussi absolue qu'admirable qu'aucune cassure ni influence extérieure ne viennent faire dévier de sa route vers une conclusion qui ne peut qu'être funeste et sans retour. Une leçon.
Moins surprenant et tout simplement plus accessible que le mythologique In The Recory Of The Bizarre Reverend dont l'onde sismique se fait encore ressentir, Crush The Insects a l'assurance tranquille d'artistes qui savent qu'ils sont uniques et presque inhumains.