Varg Vikernes a parfois déclaré que, de tous ses albums, Hvis Lyset Tar Oss reste celui qu'il préfère. Même si notre préférence va plutôt pour son successeur, le plus sinistre encore Filosofem, le bougre n'a pas tort, ce troisième méfait pouvant être considéré comme l'oeuvre la plus aboutie sinon la plus emblématique de son auteur, habile dosage de tous les ingrédients qui cimente alors son identité tutélaire.
Publié en mai 1994, Hvis Lyset Tar Oss agglomère en réalité quatre pistes gravées entre juin et septembre 1992. Il ouvre ainsi un second temps dans la carrière de Vikernes, celui des premières années carcérales qui voit ce dernier proposer du matériel inédit resté jusque là dans sa cave (ce sera donc également le cas de Filosofem) via son propre label Cymophane.
Basé sur de longues complaintes, l'album souligne encore davantage les traits les plus dépressifs, les plus suicidaires de Burzum, comme l'illustre son ouverture avec le démentiel "Det Som En Gang Var", lancinant et lugubre dérelict de plus de quatorze minutes où Varg hurle comme si demain ne devait plus jamais exister. L'homme semble alors ne faire plus qu'un avec les forces de la nuit. On tient là très certainement une des plus belles - et donc une des plus noires - pièces écrites par Vikernes, matrice évidente de toute la sous-chapelle du Black dépressif.
Plus violents se veulent par contre "Hvis Lyset Tar Oss" et "Inn I Slottet Fra Droemmem" qui martèlent un art noir tout aussi répétitif mais plus primaire. Ils ont quelque chose de caveaux humides au fond desquels rampent des guitares décharnées au goût de rouille. Une toile cryptique les recouvre tel un suaire d'une sinistre beauté, à l'image de la fin de parcours du second des deux où des claviers aussi envoûtants que morbides viennent en tapisser les parois en une mort hypnotique.
L'opus s'achève avec le minimaliste "Tomhet" qui égrène durant plus de dix minutes des nappes électroniques qui confinent à une forme de transe, pinceau servant à peindre un paysage hivernal frissonnant et là aussi source neigeuse de tout la veine du Black Ambient d'inspiration médiévale, qui démontre aussi surprenant que cela puisse paraître l'intérêt que cette génération de musiciens vouent pour l'oeuvre d'un Klaus Schulze (souvenez-vous des deux albums de Neptune Towers, side-project de Fenriz de Darkthrone). Tout l'art délicat et O combien casse-gueule de la répétition si maîtrisé par le Norvégien, est illustré par cette plage mortuaire d'une profonde tristesse.
En quatre mouvements, Varg Vikernes érige avec Hvis Lyset Tar Oss un monument ténébreux et malsain à l'obsédante odeur de mort, oeuvre charnière annonçant la décrépitude prochaine que symbolisera le morbide Filosofem...