Après quatre années d'absence peuplées d'un DVD (Black Symphony) et d'un live acoustique, la bande à Sharon a décidé de prendre en 2011 un virage qui l'éloigne du Métal et la rapproche de la Pop. Le mot est lâché et il est mérité car les compositions recherchent toutes l'effet immédiat, l'accessibilité incisive, l'accroche instantanée. Etre ou ne pas être catchy, les bataves ont fait leur choix, "The Unforgiving" est commercial et nous pouvons douter qu'ils s'en défendent tant l'option confine à l'évidence. Reste à savoir s'il s'agit là d'un crime de lèse-majesté. A moins que nous fassions fausse route et que la vraie question à se poser soit, en fin de compte, de se demander simplement si la musique proposée engendre l'allégresse de l'auditeur. Alors ? "The Unforgiving" est il plaisant à l'écoute, fait il naître des émotions, défiler des images, frissonner l'épiderme ?
Au risque de sentir sur nos nuques le souffle vengeur des canis lupus précités, osons répondre par l'affirmative, mais tâchons de nous justifier tout de même. Hormis l'acoquinement avec le Dieu Pop, sa déesse Commerciale et ses chérubins Populaire et Vénal, quelles pierres peut-on trouver dans le jardin de cet opus ?
Certains évoquent les guitares peu à l'honneur, ils n'ont pas dû apporter suffisamment de soin à l'écoute des riffs d'"In The Middle Of The Night" (Magnus Karlson sort de ce corps !) et de son pont grandiloquent, de ceux d'"A Demon's Fate", ni correctement pris garde au mitraillage en règle sur le puissant "Iron", aux soli de "Shot In The Dark", de "Faster" (vidéo ci-dessous) et d'"A Demon's Fate". D'aucun reproche le choix de la mise en retrait de la batterie ou de ses sonorités électroniques, proposons à ce Monsieur Daucun d'être plus attentif au travail de Mike Coolen (le nouveau de la bande) sur, au hasard, "A Demon's Fate" et "Iron".
Mais ne soyons pas obtus, force est tout de même de reconnaître que le côté métallique des riffs est moins présent qu'auparavant la faute à trois ballades et un mid-tempo ("Shot In The Dark") où elles ne peuvent que peu s'exprimer, mais également du fait de l'approche Pop de certains morceaux comme "Sinead", "Faster" ou "A Demon's Fate". Reconnaissons également que Mike Terrana s'ennuierait un tantinet aux fûts s'il devait assurer la partition de l'opus et ce pour les mêmes raisons que celles évoquées pour la six-cordes. Il est par ailleurs question, parmi les volées de bois verts assénées, des faiblesses vocales de la belle. Elans sopranos quasi-inexistants, difficultés à monter dans les aigus sont pointés du doigt ici et là. Mais diantre (!), pourquoi ne pas plutôt souligner ses capacités de variation dans les intonations et son souhait d'officier plus que de coutume en médium (cette fois les verres en cristal de belle-maman résisteront) ?
Désolé Messieurs les détracteurs, cet album est tout à fait défendable et, même s'il semble être devenu hype de dessouder gaillardement les groupes qui cherchent à devenir plus grand public, tâchons plutôt de ranger au placard nos préjugés formatés, nos jugements tranchés et nos œillères opaques. Puis reconnaissons par exemple, même en murmurant, que les refrains lumineux qui éclaboussent l'opus (c'est la Foire aux Hits !) sont un vrai bonheur, que le très Métal Symphonique "Iron" où l'orchestre emporte tout sur son passage est une tuerie, que "Sinead", titre à la limite de la Variété, n'en fera pas moins jumper les foules en concert, qu'"A Demon's Fate" transporte une ligne mélodique fulgurante et que ces petits coups d'archer sur "Shot In The Dark", comme son pont, chatouillent l'épiderme.
Alors, que les Gardiens de l'Ordre qualifient "The Unforgiving" de soupe, c'est leur droit le plus absolu, mais, en ce qui nous concerne amis ouverts d'esprit, osons avancer que de la tambouille comme celle-là, nous aimerions nous en voir servi tous les jours sur les ondes. Voilà qui prouverait que l'acceptation de notre musique chérie est en marche. Au moins, il ne pourra pas être reproché à Within Temptation de ne pas avoir tenté de percer les murailles et gageons que nous saurons éviter d'en construire d'autres nous-mêmes.