Jeff Porcaro, batteur d'exception à la discographie impressionnante, membre fondateur du groupe Toto, est mort le 5 août 1992 à l'âge de 38 ans à Hidden Hills, Californie. Quatre années plus tard, une foultitude de musiciens s'associe pour rendre hommage à ce monstre sacré doublé d'une adorable personne. Dirigé par David Garfield, compagnon de jeu de Jeff et ami (ils ont joué ensemble dans Los Lobotomys entre autre), cet album un peu fourre tout contient malgré tout quelques superbes moments.
"E Minor Shuffle" ouvre le bal avec une grande classe et c'est Carlos Vega lui-même qui tient les baguettes sur ce titre qui doit forcement rappeler de bons souvenirs aux fans de Toto puisque le riff principal n'est autre que celui utilisé par le groupe pour leur titre "On The Run". Gavé de percussions diverses (6 percussionnistes de renom, Chris Trujillo et Lenny Castro en tête) et de claviers, il rend hommage au Porcaro Shuffle du maître, de celui qu'on retrouve sur "Rosanna" de Toto mais aussi "The Girl Is Mine" de la doublette Jackson/Cartney. Composition de David Paich, il ouvre l'album avec fraicheur et révèle de suite un haut niveau de voltige. "Let's Stay Together", repris en duo par d'autres amis, Paulette Brown et Michael Mc Donald, fait honneur aux grandes heures de la Motown que Jeff affectionnait. Doté d'un groove fort mais tranquille, il brille sous les guitares de Steve Lukather et Mike Landau.
Les hommages vont s'enchainer avec toujours la même classe et révèlent un bel éventail des styles chers au défunt batteur. Le "Lowdown" jazzy de Boz Scaggs (porté entre autre par Joseph Williams et Paich et Paul Jackson) groove sous les coups d'Abraham Laboriel Jr et d'un sax lumineux. Le Rock dur est mis à l'honneur avec une reprise de M. Hendrix et "If Six Was Nine" explose sous le jeu de Simon Phillips et la guitare d'Eddie Van Halen dans une Jam furieuse et jouissive (à noter que ce génie de la six cordes apparait également sur la reprise de Dylan, en milieu d'album, pour un solo renversant).
Le Jazz bien entendu se paye la part du lion dans cet album. Des très classiques et instrumentaux "Bag's Groove" et "Babylon Sisters" transcendé par le shuffle de Bernard Purdie (qui a inspiré la rythmique de "Rosanna" à Jeff) au Jazz plus coloré de "Jeff's Strut" composé par Joe Porcaro et aux ambiances Funk, Gospel et Blues (on retrouve ici Larry Carlton et Steve Gadd), les amateurs de Los Lobotomys se régalent. D'ailleurs, le "Big Bone" présent en fin d'album est une reprise de ce super-groupe portée par Lukather, Greg Bissonette et Mike Porcaro. Une fois de plus, l'émotion est au rendez-vous et les presque sept minutes de musique nous semblent trop courtes entre break, soli et jam possédée.
Le côté AOR est maigrement représenté par "My Heart Wants To Know" chanté par Jason Scheff et Joseph Williams une fois de plus. Ce titre, composé pour l'album est un hommage direct à Jeff par le texte. Très soul, il ferait fondre le cœur des bagnards les plus endurcis. Dernier hommage au batteur, un salut de 21 batteurs (plus adapté que 21 fusils), "Twenty One Drum Salute" reste plus curieux que réellement impressionnant.
Vous l'aurez compris, cet album est plus réservé aux fans de Los Lobotomys que de Toto, ainsi qu'aux batteurs, aux fans de piano également (David Garfield y brille sur de nombreux titres dont les intermèdes plus courts, où il intervient presque seul), de Jazz et finalement à ceux qui aiment ces albums où plus de quarante artistes, tous brillantissimes et de plusieurs générations se retrouvent pour le plaisir de la musique. Pas indispensable mais réellement attachant.