"Freaks" est le deuxième album de Nox, le premier album éponyme étant sorti en 2008. Nox est un trio belge constitué de Catherine Graindorge au violon, David Christophe à la basse et Elie Rabinovitch à la batterie. A l'évidence, la découverte de ce line-up ne laissait pas augurer une musique orientée hard rock ou métal.
En effet, Nox navigue plutôt entre post rock, trip-hop et néo classique, déroulant des rythmes lancinants et répétitifs, bien assis sur le duo batterie/basse et sur lequel le violon pose ses traits étirés à la tonalité volontiers lugubre. Quelques dissonances volontaires viennent parfois mettre un peu de piment, le groupe ayant l'intelligence de ne pas abuser du procédé. Aucun chant donc parmi les sept titres que compte l'album, chaque morceau étant conçu pour installer une atmosphère musicale propice au vagabondage de l'esprit de l'auditeur, un vagabondage plutôt enclin à la morosité et à l'angoisse qu'à la sérénité.
A quelques variations près, la technique utilisée est toujours la même : le groupe installe un rythme, le plus souvent avec la batterie et la basse, à la fois discrètes et présentes tout au long du disque, auquel il se tient, imperturbable, pendant de longues minutes, et sur lequel le violon semble improviser, sans virtuosité excessive. Les crescendos et decrescendos sont abondamment utilisés, apportant selon l'effet recherché intensité ou fragilité. Le rythme inamovible est parfois perturbé par quelques effets (voix sur 'Electrocity' et 'Doopler Effect', passages bruitistes sur 'Electrocity', 'Smoke', 'Freaks'), qui n'arrivent cependant pas toujours à combattre la lassitude qui s'installe par la rigueur trop métronomique que chaque titre finit par dégager.
Certains titres se détachent de cet ensemble d'une (trop ?) grande homogénéité. Ainsi, après une introduction expérimentale, les violons de 'The Monsoon', développent un mouvement presque dansant, langoureux et mélancolique, unique dans l'album. A l'inverse, le texte déclamé d'une voix monocorde sur 'Doppler Effect' suivi d'un rythme qui va s'accélérant dans un mouvement inquiétant, distille son atmosphère angoissante.
Enfin, 'Freaks' rappelle dans sa première partie la musique d'un film policier ou d'un thriller. On se promène la nuit dans des rues glauques. Puis le rythme cardiaque s'accélère avec la musique, les nerfs se tendent. Le violon se met à jouer allégro un air dissonant et grinçant, puis la basse très présente ressasse le même rythme à chaque mesure, couverte par une sorte de respiration génée. Les sons se superposent sur le rythme de la basse, des bruits aigus, inquiétants, des voix assourdies, un halètement. Tout contribue au malaise : l'ambiance du polar a viré à celle du film d'épouvante et le titre du morceau prend alors toute sa signification. Expérimental et éprouvant.
"Freaks" n'est certainement pas un disque à écouter d'une oreille distraite, ni à mettre entre toutes les oreilles. Il nécessite deux prédispositions : la concentration et une certaine propension à aimer les musiques cycliques et mélancoliques dont les lents développements finissent par atteindre quelque fibres émotionnelles du cortex et mettent alors l'auditeur en empathie. Sans elles, nombreux sont ceux qui resteront hermétiques à cet album exigeant.