Il ne faut parfois guère plus qu’une pochette aussi sensuelle qu’intriguante pour attirer l’attention du chaland. Sans cela, aurions-nous prêté autant d’intérêt à cette première carte de visite de Ommatidia ? Ce n’est pas évident car n’ayant jamais été totalement réceptif au metal sombre érigé par The Old Dead Tree, dont on retrouve deux anciens membres, le bassiste Vincent Dahnier et surtout le guitariste Nicolas Chevrollier, je n’attendais pas particulièrement le premier opus de cette nouvelle formation.
Or, j'aurais eu bien tort de l’ignorer tant celle-ci fait déjà montre d’une très belle tenue. Les musiciens, qui ont recruté le chanteur de Dustbowl, ont du métier et cela s’entend tout du long de In This Life, Or The Next, album séminal à la maîtrise insolente. Ceux qui espéraient qu’Ommatidia s’inscrive dans la continuité de The Old Dead Tree, dont il aurait en effet pu poursuivre l’œuvre, en seront pour leur frais.
Bien qu’elle soit elle-aussi minée par une profonde mélancolie, la musique forgée par le groupe ne noue aucun lien avec le Dark Metal de mise chez son défunt aîné. Et si nous devions identifier une influence chez les Français, ce serait davantage vers les maîtres britanniques du spleen, Paradise Lost évidemment, que notre choix tendrait, référence pour le moins marquée au niveau de la voix de Guillaume Richard, lequel fait parfois plus que retrouver la tessiture et les intonations de Nick Holmes ("Starspeed God", "Serendipity"). L'homme est d'ailleurs incontestablement une des (nombreuses) bonnes surprises de cet opus.
De là à réduire Ommatidia à une simple version française du dinosaure anglais, il y a un pas… que nous ne franchirons pas totalement, même s’il existe pire comparaison. Moins lourd (la composition bien plombée, "Disclosure" par exemple, infirme cette impression), le metal gothique dépeint par In This Life, Or The Next, qu’irriguent des lignes de guitares entêtantes, pinceaux trempés dans les teintes de la tristesse la plus poignante ("Unaffected By Loss"), est une œuvre bipolaire, aussi lumineuse que tragique, écartelée entre ombre et clarté, à l’image donc du visuel qui lui sert de séduisant écrin.
Véritable travail d'orfèvrerie bénéficiant d'une prise de son excellente, les titres forment un tout d'une belle homogénéité, bien qu'ils soient tous peints avec les mêmes couleurs du désespoir, lequel atteint son paroxysme lors du terminal "Naked Truth", piste d'une lenteur crépusculaire qui achève l'album sur une note totalement désenchantée.
A l'arrivée, Ommatidia livre une des plus intéressantes découvertes de ce début d'année dans un genre, le Gothic Metal, pourtant bien érodé par trop de médiocres suiveurs, ce que les Français ne sont assurément pas. Détenteur d'une identité qui, si elle est encore en gestation, se veut bien réelle, le groupe place déjà la barre très haut avec un premier essai dont on souhaite que son successeur se révèle plus abouti encore.