Ce dixième album studio de Candlemass suscite une question : ne serait-ce pas en réalité aujourd'hui le véritable âge d'or du groupe, et non pas la seconde moitié des années 80 qui a pourtant offert la tétralogie Epicus Doomicus Metallicus/Nightfall/Ancient Dreams/Tales Of Creation ? Tout porte à le croire en effet. Certains vieux nostalgiques ne partageront certainement pas cet avis. Ils ont tort. Définitivement.
Si le navire, toujours maintenu en vie par son capitaine Leif Edling n'a jamais coulé et a constamment livré des opus intéressants même à partir de Chapter VI (1992), il n'en demeure pas moins que son aura ne brillait plus guère... jusqu'au retour (éphémère) de son caractériel chanteur Messiah Marcolin en 2003. Le disque éponyme a permis de remettre les Suédois sur de bons rails. Or nombreux estimaient (espéraient ?) qu'ils ne survivraient pas au nouveau départ du moine comme ce fut le cas la première fois. C'est tout le contraire qui s'est passé.
De fait, on mesure de plus en plus combien ils ont été inspirés de recruter le grand Robert Lowe. Celui-ci est finalement un peu à Candlemass ce que Ronnie James Dio (c'est un fan d'ailleurs) fut à Black Sabbath en 1980 : il a eu la lourde tâche de remplacer un frontman charismatique aimé des fans tout en le surpassant de la tête et des épaules. On peut l'affirmer : la voix de Solitude Aeturnus a sauvé ses employeurs et les a aidé à conférer une nouvelle dimension à leur art. Death Magic Doom est à ce titre une démonstration.
A la fois aussi bon que King Of The Grey Islands, le premier album avec Lowe derrière le micro, et très différent, il rassemble huit morceaux. Huit seulement peut-être mais quels morceaux ! Rien à jeter, pas de remplissage. Dotés d'un son super heavy à arracher la tapisserie, ce sont huit bijoux, autant de merveille d'écriture. Ce sont surtout des enclumes encore plus lourdes que leurs aînés de deux ans (lancinant et sinistre, "Hammers Of Doom" est quasiment la définition du genre ou bien le tragique "My Funeral Dreams"), parfois enténèbrées par un clavier lugubre et hanté ("Clouds Of Dementia"). En un mot : du doom. Le vrai, le pur, propulsé par des riffs et des soli démentiels.
Le maître mot de Death Magic Doom pourrait d'ailleurs être : du riff, du riff, encore du riff. Et bien que Leif Edling (impeccable lui aussi) soit le principal compositeur, on ne saluera jamais suffisamment le remarquable travail de la paire Mappe Björkman/Lasse Johansson. Ecoutez les monstrueux "If I Ever Die", "Demon Of The Deep" (les guitares y tournent comme un scalpel dans la chair), "Death Angel", irrigué par des attaques à la six cordes hypnotiques, pour vous en convaincre. Nous pourrions poursuivre encore longtemps cette litanie tant chacun des titres vibre de leurs assauts.
Ils sont les hommes de cet album, avec bien entendu Robert Lowe, dont le chant est encore plus en place que sur King Of The Grey Islands. Il a pu cette fois-ci enregistrer avec le groupe et cela se ressent... Et s'entend ! Ses lignes vocales filent des frissons, comme sur "Hammers Of Doom", "The Bleeding Baroness" (sans doute l'apogée de ce met de roi) ou sur certains passages plus mélodiques, à l'image du break final de "Demon Of The Deep".
Alors que bien des groupes de sa génération se contentent de survivre en accouchant bon an mal an une offrande de plus, Candlemass vient probablement de délivrer un de ses chefs-d'oeuvre, qui plus est sorti presque en même temps que l'album solo de Edling, Songs Of Torment, Songs Of Joy, une autre tuerie indispensable ! Si le doom ne devait se résumer qu'à une seule prière, Death Magic Doom pourrait bien être celle-ci.