Depuis sa résurrection, Van der Graaf Generator semble s'être installé dans le rythme confortable d'un album tous les trois ans. Après "Present" (2005), puis "Trisector" (2008), 2011 donne le jour au dernier en date, "A Grounding In Numbers".
Pour les amateurs du groupe, chaque nouveau disque est attendu avec impatience et fait figure d'évènement tant la musique délivrée par VDGG sort des sentiers battus au point qu'il est impossible de patienter en écoutant d'autres groupes s'inspirant peu ou prou de son style. Cela s'explique certainement par la personnalité atypique de leur leader, Peter Hammill, qui exprime avec une sincérité troublante ses conceptions musicales sans concession, reflet d'une âme tourmentée n'hésitant pas à se mettre à nu. Le résultat se traduit souvent par une musique très sombre, presque désespérée, dont la noirceur se nourrit de sons torturés et d'un chant théâtral frôlant régulièrement la démence.
"A Grounding In Numbers" n'échappe pas à cette règle, même si l'album se rapproche plus d'un disque solo de Peter Hammill que d'un de ceux de VDGG. Cette dérive qui se constatait déjà par moments sur l'album précédent se confirme pleinement sur ce CD. Elle est probablement due au format court des morceaux (un seul titre supérieur à 6 minutes, 5 titres inférieurs à 3 minutes), ne permettant pas d'installer les ambiances complexes propres au groupe. Phénomène d'autant plus curieux que, pour la première fois, tous les titres sont crédités aux trois membres de VDGG alors qu'ils étaient jusqu'à présent l'œuvre quasi exclusive de Peter Hammill .
La musique porte les stigmates propres à Hammill et sa bande : triste, voire désabusée, souvent discordante, stridente, proche de King Crimson dans ses errances les plus expérimentales, aux mélodies en filigrane, sciemment agressive et perturbante, tournant souvent en boucle mais changeant pourtant fréquemment de rythme, syncopée, vigoureuse, inspirée et sincère. Claviers et guitares sont tour à tour à l'honneur, joliment mis en relief par la batterie de l'excellent Guy Evans. Hormis 'Embarassing Kid' qui manque de conviction, tous les titres apportent leur quota d'émotions, des mélancoliques 'Your Time Starts Now' ou 'Mathematics' aux plus énergiques 'Highly Strung' ou 'Mr. Sands', sans oublier les expérimentaux '5533', 'Red Baron' et 'Splink', ces deux derniers étant entièrement instrumentaux. Il est juste regrettable que le groupe n'ait pas eu plus l'envie de développer certains titres pour atteindre le paroxysme d'un 'Still Life' ou d'un 'Arrow'. 'Medusa' par exemple, à l'atmosphère ténébreuse et angoissante, méritait mieux que les 2'12" qui lui ont été accordées.
"A Grounding In Numbers" ne dépare pas l'œuvre de Van der Graaf Generator qui reste fidèle à ses principes et à ses valeurs. Si ce disque ne fera pas changer d'avis ses détracteurs, il comblera de bonheur les amateurs du genre qui retrouveront aisément tous les repères qui caractérisent ce groupe d'exception.