Il y a des moments où je me dis qu'il y a de l'espoir en musique... Un espoir que les grands groupes de pop des années 60 trouvent encore une oreille attentive chez des jeunes désireux de repartir sur leurs bases et construire quelque chose de neuf. Et Dynamo Bliss est l'un de ces groupes.
Il s'agit d'un trio suédois, dont la moyenne d'âge ne doit pas dépasser 30 ans. Deux des membres ont déjà joué dans un groupe de reprises dédié aux Beatles. Ce n'est pas leur seule référence puisque, dans leurs influences, ils citent également ELO (la version du groupe dirigée par Jeff Lynne était de toute façon déjà très inspirée par le quatuor de Liverpool !) et le rock progressif des années 70 (Pink Floyd par exemple). Mais attention, ces trois musiciens suédois n'ont pas pour objectif de "sonner vieux", enfin pas de manière rustique avec craquements, feedback et distorsion rajoutés. La production de ce premier album est de très bonne qualité, le son très clair sans vous péter à la figure (un petit reproche serait un léger manque de dynamique et une batterie un peu trop étouffée par le mixage, d'ailleurs). Ceci étant dit, aujourd'hui sonner années 60/70 semble être de plus en plus à la mode. On pourrait dire que c'est parfois un peu le cas ici avec quelques tourbillons de synthés qui rappellent plutôt les années 80, en plus d'un piano omniprésent, rejoint le plus souvent par un orgue, un poil de clavecin, divers synthés aux sons rappelant joyeusement les années 75-79. Les arrangements sont variés et deux des trois membres sont des multi-instrumentistes en plus d'être des chanteurs à la voix claire et suave.
Dès la courte introduction, le déluge d'harmonies vocales vous démontre que ces gars-là ne sont pas des plaisantins. Les références aux Beatles sont plus qu'évidentes mais à moins que vous ne soyez allergiques aux hommages appuyés, ce n'est pas gênant, au contraire. D'ailleurs, les citer à tout bout de champ n'est qu'un raccourci. On reconnaît toute une série de clins d'œil aux ténors de la pop anglaise et américaine des années 60 : les Kinks, les Animals, les Beach Boys ou même les Byrds. ELO proposait déjà un mélange de styles détonnant dans les années 70, de même que 10CC et Dynamo Bliss suit la même démarche. Et les Canadiens de Klaatu qu'on a pris au début pour les Beatles déguisés sous un nouveau nom et avec un son plus moderne en 1977, semble eux-aussi avoir influencé nos trois suédois,
"Fear Of Clouds", le premier vrai titre, est aussi le plus long, progressif avec un côté rock un peu plus agressif par moment sur les guitares, tout en privilégiant des mélodies accrocheuses avec un un long épilogue aux synthés. Le seul autre titre plus long que la moyenne est "Thin Air". Avec ce morceau, on pourrait parler d'une sorte de "pop de chambre". La première section pastorale, aux arrangements menées par le piano et la guitare acoustique soutenus par des cordes, comporte un léger côté jazzy alors que la seconde partie plus proche du Pink Floyd de "Dark Side" contient un long solo de guitare façon Gilmour. Sans doute le sommet de l'album.
Les morceaux restants sont relativement courts, avec un côté très accessible mais aussi quelques éléments les distinguant d'une pop formatée. Les deux petites pièces de 3 minutes se la jouent léger et planant avec des chœurs façon "choooobidooooowaaaaa" typiques du milieu des années 60 pour "Closer To The Heart" et une ambiance encore une fois pastorale pour "No Sense In It". Soulignons dans cette dernière la courte intro bizarroïde aux synthés et les voix trafiquées rigolotes, entre les lignes de chant principales.
"Bird Of Passage" est une belle ballade avec guitare acoustique, piano, orgue Hammond et synthé, qui comporte un petit côté jazzy. Un morceau qui aurait pu être enregistré en 1978 ! "Mausoleum" est plus sautillant, un titre encore une fois mené par le piano, avec une basse mélodique très présente. L'ombre de Supertramp et encore une fois celle de ELO planent au dessus de ce morceau, avec un solo de guitare façon Camel, des synthés légers et quelques bruitages, histoire de se rappeler que le groupe veut se distinguer de la pop courante.
"White Cherry Hills" d'apparence toujours assez calme et décontracté possède une section centrale un peu plus rock et inhabituelle, avec toujours un large éventail de claviers (piano, clavinet, orgue, synthés). Et enfin, la courte conclusion boucle la boucle avec un final kitsch façon ELO, fait d'harmonies vocales caressantes qui s'échappent au milieu d'orchestrations de synthés.
Le plus beau dans tout cela, est que le trio ne pense pas à vivre de sa musique ni même en vendre beaucoup puisqu'ils ont débuté en laissant leurs morceaux en téléchargement gratuit ! Aujourd'hui, le téléchargement à partir du site www.bandcamp.com est payant et une version CD de l'album est disponible. Espérons que Dynamo Bliss poursuivra dans cette voie en développant les éléments progressifs de sa musique et les parties instrumentales, car ces gens-là savent jouer, sans toutefois en faire étalage. La suite, vite !