Le guitariste et claviériste Lars Eric Mattsson, également fondateur du label Lion Music, célèbre avec cette nouvelle sortie la 300ème référence de son label. Après "Electric Voodoo" en 1991 et "Earthbound" en 2005, il s'agit du troisième album instrumental du musicien finlandais, même si le premier disque qu'il ait sorti, "Eternity", était déjà très peu chanté. Celui-ci fait suite à une série d'albums de plus en plus progressifs dans lesquels il a invité divers chanteurs et chanteuses.
Si mélanger guitare électrique et orchestre n'est pas nouveau, le finlandais a exploré ici des idées qui n'avaient pas encore été développées auparavant. L'orchestre est virtuel, comme sur les précédents disques de Lars, mais grâce aux échantillons suffisamment réalistes et à son sens du détail, le résultat est très acceptable. Cet "orchestre" est d'ailleurs à géométrie variable : tantôt un petit ensemble baroque, tantôt un orchestre plus large et plus moderne, avantage des nouvelles technologies.
Eddie Sledgehammer accompagne le maître sur une moitié des morceaux seulement. De nombreuses plages sont ainsi complètement ou partiellement dénuées de percussion. De plus, Lars a décidé de ne pas démultiplier les parties de guitare, de telle sorte que cet album peut être joué live avec un seul guitariste. Mattsson quant à lui, possède toujours un son doucement saturé, plaintif et immédiatement reconnaissable, qui s'avère particulièrement touchant sur les plages les plus calmes de cet album. Ce dernier s'inspire de plusieurs siècles de musique classique et, bien sûr, quelques décennies de musique rock, sans oublier quelques ingrédients exotiques.
"Rising" est une ouverture rythmée, pas tout à fait linéaire mais accessible, néoclassique façon JS Bach, particulièrement accrocheuse. Sur la suite, les choses évoluent… Avec "Bounce", Mattsson fait jouer à l'orchestre un thème scandé terriblement accrocheur que l'on croirait issu du répertoire de Vivaldi ou d'un autre compositeur baroque comme Corelli. "Cold Water Spirit" continue dans cette voie mais cette fois, c'est un long adagio particulièrement splendide. En fait, "Aurora Borealis" compte de nombreux morceaux lents et mélancoliques, dans lesquels le guitariste utilise différentes techniques et alterne envolées lyriques et arpèges d'une fluidité remarquable, sans se répéter. C'est le cas encore avec le très délicat "The Heart" et "Forward Thinking", un autre morceau long progressif au début lent mais à l'influence plus moderne. "Clear Skies" est une ballade symphonique simple au thème particulièrement fort.
Même si Mattsson décrit son nouvel album comme essentiellement tourné vers des thèmes, des morceaux de taille moyenne comme le très changeant "Revolutionary Stars", "Eternal Cycles" et ""Planetary Strength" sont quant à eux complexes, avec des percussion alambiquées de Sledgehammer (parfois légèrement mixé en avant avec sa caisse claire qui sonne un peu creux), des riffs et des parties solistes variés et des passages calmes sans rythme qui contrastent avec ceux plus dynamiques.
Le très court "Parisienne Etude" est le seul morceau à la guitare acoustique qui rappelle vaguement Django Reinhardt. Il sert plus ou moins d'introduction à "Midnight Sun", la suite la plus longue, franchement progressive, avec un thème principal très fort et divers développements, des teintes orientalisantes qui sont rares sur cet album et une partie très rapide assez inattendue. L'orchestration est légèrement plus abstraite avec des violoncelles mais aussi des textures modernes. Le très lent "Starfall" conclut avec la guitare seule, toujours plaintive et émouvante, sur un lit de cordes aériennes. Une pièce d'apparence simple mais avec une progression de notes étirées très originale, une tonalité inhabituelle, qui évoque les paysages sombres et glaciaires de la Finlande natale de son auteur.
Avec "Aurora Borealis", on peut dire que Lars Eric Mattsson a réussi le pari de produire un album instrumental de très grande classe, relativement cohérent mais aussi très varié et surtout très inspiré sur le plan mélodique. A la fois plein de puissance et de douceur, de passion et de lyrisme, il impose son style très personnel. Espérons maintenant que le guitariste donne une suite à cet album qui représente tout simplement le sommet de sa carrière.