Troisième effort de The D-Project, “Big Face” reprend la recette des albums précédents. Autour d’un effectif réduit - Stéphane Desbiens à la guitare, Matthieu Gosselin à la basse et Jean Gosselin derrière les fûts -, le guitariste canadien a invité quelques guests stars renommées pour attirer le chaland. Ici, rien de moins que l’immense Tony Levin (basse), Lalle Larsson (claviériste suédois, présent dans le dernier album de Karmakanic), Bartek Kossowicz, actuel chanteur de Quidam, et une vocaliste francophone moins célèbre dans nos contrées, Claire Vezina. Le mastering a été effectué par Andy Jackson, connu pour sa collaboration avec Pink Floyd. Pas de doute, Stephane Desbiens sait s’entourer !
Même si le jeu reste souvent centré sur la guitare de Stéphane, le propos est assez éclectique et nous fait naviguer du néo typique (l’intro de 'They') à la ballade ('Anger I'), en passant par des sonorités dance ('So Low'), des passages fusion ('Conspiracy' ou la fin de 'They', avec des interventions de sax), et parfois des passages quasiment métal ('Macondo'). Si la voix de Stéphane évoque souvent Roger Waters, les ambiances musicales rappellent parfois RPWL ('Big Face'), mais aussi Toto ('Macondo'), et évidemment Pink Floyd avec le son très gilmourien de la guitare, et les chœurs féminins souvent présents sur les refrains.
Tout ceci ne fait pas de “Big Face” un album particulièrement homogène, l’auditeur peinant à s’immerger dans des titres forcément disparates. Mais la qualité est là, à l’image de 'They', 'Big Face', 'Anger I & II' ou 'Conspiracy', bien réussis, même s’il est possible de moins apprécier certains passages à la limite de l’improvisation, qui auraient plus leur place en live qu’en studio. A côté de ces titres assez fouillés, se trouvent deux “hits” assez simplistes, accrocheurs mais musicalement quelconques, 'So Low' et 'Don’t Tell the Kids', dont la tonalité surprend et dénote, avec des facilités musicales trop évidentes pour interpeller l’amateur de progressif . Mieux vaut se raccrocher aux interventions de guitare de Stéphane, toujours pertinentes, même si ses prestations apparaissent parfois curieusement refermées sur elles-mêmes ('Anger I & II', au solo intimiste techniquement maîtrisé).
Et c’est peut-être là ce qui fait la limite de “Big Face”, un album techniquement très propre mais qui transmet finalement assez peu d’émotions. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter le titre final, chanté en français, dans lequel le solo de guitare, très technique, se retrouve fort décalé par rapport à l’ambiance intériorisée du départ. Ce hiatus constant entre technique et émotion a tendance à laisser l’auditeur un peu en marge, d’où un sentiment de relative déception.