S'il existe bien un groupe qui mérite son (tardif) succès, c'est bien Primordial qui aura finalement dû patienter une bonne quinzaine d'années pour enfin imposer une identité attachante qui se nourrit de ses racines irlandaises tant géographiques qu'historiques.
Depuis 2005 et sa signature chez Metal Blade, le collectif dont l'image se confond avec son charismatique frontman (un des meilleurs dans le genre), Alan Averill "Nemtheanga", suit une courbe ascendante. Après To The Nameless Dead, qui avait su corriger les menus défauts de son prédécesseur, The Gathering Wilderness, le très attendu (c'est un euphémisme) Redemption At The Puritan's Hand saura t-il encore aller plus loin ?
Que les amateurs de plus en plus nombreux soient rassurés, Primordial a accouché une fois encore d'un très grand disque à la (dé)mesure de son talent. Les Irlandais ont pris leur temps et ils ont eu raison. Si les écoutes préliminaires suggèrent tout d'abord que ceux-ci semblent ne pas avoir pris de risque, se contentant de creuser à l'identique dans la roche froide un style qui de toute façon a été fixé depuis longtemps (au moins depuis Storm Before Calm), ce que l'immense titre d'ouverture, le puissant "No Grave Deep Enough", dont la filiation avec un "Empires Fall" est évidente, aurait tendance à confirmer. De fait, on retrouve avec bonheur ce Black Metal païen et granitique, porteur d'une souffrance désespérée, qui n'appartient qu'au groupe, sculpteur d'un tertre d'une beauté aussi austère que tragique dont les outils demeurent à la fois ces guitares minérales, ce chant si personnel et cette batterie tellurique.
Pourtant, plus le disque avance et plus on mesure que les musiciens, tout en respectant leur signature, ne se sont tout simplement pas contentés de reproduire celle-ci à l'identique comme il aurait été tentant de le faire. Miné par la grande faucheuse, une mort séculaire aux teintes médiévales qui semble venir du fin fond des âges, Redemption At The Puritan's Hand est une oeuvre organique qui gronde d'une intensité souterraine, drapée dans un suaire sinistre. Les atmosphères y sont plus contemplatives, plus funéraires qu'à l'accoutumée, comme l'illustrent des plaintes telles que "The Mouth Of Judas", "Bloodied Yet Unbowed" et "The Puritan's Hand", longues marches pétrifiées d'une lenteur mortifère.
Les compositions grouillent de détails qui étonnent, témoins "The Black Hundred" tavelé de multiples aplats et ce "Gods Old Snake" qui voit Alan adopter un chant des plus "evil" cependant qu'en fin de parcours un solo hanté jaillissant de la terre vous attrape par surprise. Frissons garantis ! A ce titre, il convient plus que jamais de souligner le remarquable travail abattu par les deux guitaristes dont on ne saurait minimiser l'importance au profit d'un Nemtheanga forcément mis en avant qui du reste impressionne encore une fois.
D'une qualité égale à celle de ses aînés, Redemtpion At The Puritan's Hand est un disque extrêmement sombre et sévère de la part d'un groupe en pleine possession de ses moyens qui réussit à façonner son art sans se répéter.