Nous avions découvert Zoroaster il y a quatre ans avec sa première enclume officielle, un Dog Magic de plutôt bonne mémoire. Les Américains y mettaient en exergue un Sludge Doom pachydermique qui à défaut de transcender le genre l'honorait au moins avec un savoir-faire incontestable. Si Voice Of Saturn, son successeur, dévoilait déjà quelques discrètes touches pysché de bon aloi, Matador quant à lui, permet à ses géniteurs de franchement prendre leur distance avec leur style originel.
Alors bien entendu, l'ensemble sonne toujours aussi Heavy et velu, justifiant encore l'arrimage de Zoroaster à la chapelle de la déesse Doom, témoin ces riffs coulés dans l'acier ("Black Hole"), cette voix noyée dans le Bourbon et ses rythmiques de mammouth énervé ("Firewater"). Pour autant, jamais celui-ci n'a paru aussi accessible et presque mélodique ("Trident").
L'architecture des compositions a évolué vers un format plus ramassé, aucune d'entre-elles ne dépassant les sept minutes au compteur, là où certaines de leur aînées pouvaient facilement tutoyer le quart d'heure. De plus, les effluves psychédéliques qui l'enveloppent confèrent à Matador un aspect fortement instrumental, le chant saturé d'effets donnant l'impression de venir de très loin ("Old World").
Reste que c'est justement grâce à cette évolution artistique que Zoroaster affirme son identité et son inspiration. En s'affranchissant de ses racines Sludge, il livre peut-être avec ce troisième album sa cuvée la plus réussie à ce jour, même si Voice Of Saturn se révélait déjà excellent de bout en bout. Mais, de l'inaugural "D.N.R." dont la seconde partie, qui s'abîme dans un épais nuage artificiel, sent bon la fumette, à la lente macération que représente la terminale piste éponyme, l'offrande saura séduire les amateurs de choses bien plombées qu'allège cependant une atmosphère cotonneuse. Gageons que les fans de la premières heures ne s'y retrouveront pas tous. Tant pis car à contrario, les Ricains pourraient bien ouvrir leur musique à un autre public à la fois différent et complémentaire.
En définitive, (beaucoup) moins Sludge mais toujours aussi Doooom, Matador amplifie la direction entamée par son prédécesseur. Bloc toujours ancré dans un substrat ultra Heavy mais aéré de sons psyché, ce mélange convient plutôt bien à ses auteurs, lesquels se montrent au fil des ans et des albums, de plus en plus intéressants.