French TV n’est pas un groupe français, comme nous pourrions légitimement le penser, mais bien un combo américain qui nous propose là son dixième album.
Ce patronyme fort surprenant, ne représente qu’un avant goût des surprises qui attendent l’auditeur de ce "I Forgive You For All My Unhappiness". En effet, derrière ce titre ambigu, se cache une musique qui n’hésite pas à emprunter des chemins assez tortueux, à piocher allègrement dans des ambiances allant du Rock progressif 70's, au Jazz à tendance « Free », en passant par des dissonances contemporaines. S’il va sans dire que le résultat est assez complexe, il conviendrait plutôt d’user de l’adjectif « riche » pour qualifier les compositions de Mike Sary, tant la diversité et la densité semblent toujours du voyage.
Ainsi on peut mettre en parallèle un "With Grim Determination, Terrell Dons The Bow Tie" à l’ambiance calme et relativement sobre (pour le groupe), et un "March Of The Cookie Cutters" bien plus avant-gardiste et impénétrable, et qui n’est pas sans renvoyer vers certaines digressions de Franck Zappa.
Pour autant, French TV a le bon goût de ne pas trop verser dans l’inaccessible et dans l’élitisme. S’il est certain que les 6 compositions instrumentales de ce "I Forgive You For All My Unhappiness" ne sont pas taillées pour un large public, la qualité des arrangements, la maitrise instrumentale et la richesse des mélodies sont autant de visas pour ces voyages en terres mystérieuses. Avec au surplus, une fougue et un enthousiasme que l’on ne s’attend pas forcément à trouver chez des musiciens qui ont dépassé le quart de siècle de production musicale.
La profusion de soli, de changements de tempo et de sonorités différentes ne nuit pas à la cohérence de l’ensemble, le groupe ayant le bon goût de fréquemment insuffler une dose de mélodie pour rassasier son public. Il faut d’ailleurs noter que lorsque ce n’est pas, comme dans le confus "You Got To Run It Out, Dawson! ", l’auditeur court le grand danger de perdre pied et de décrocher.
La virtuosité des musiciens déjà mentionnée plus haut ravira les amateurs de jazz. Il faut notamment mettre l’accent sur le travail énorme abattu par la batterie et la basse. Le premier, très technique et présent n’est pas sans rappeler ceux de Bill Bruford et de Billy Cobham, alors que le second, très groovy et puissant apporte un côté organique très intéressant. Les guitares me semblent moins incontournables, car sombrant parfois dans la démonstration confuse. Quant aux claviers, leur côté un peu kitch apporte une pointe d’humour très agréable, mais passé ce premier sentiment ils ne se montrent pas toujours totalement convaincant.
Quoiqu’il en soit, French TV, nous propose là une œuvre exigeante et très riche qui comblera les amateurs de Jazz fusion mais qui irritera probablement les autres. Un bon disque donc, mais qui ne s’adresse qu’à une minorité d’illuminés que les radiations protéiformes de Mike Sary ne plongeront pas dans un abîme de perplexité.