Le soufflet magique du précédent album à peine retombé, Dead Can Dance revient avec une nouvelle publication au titre énigmatique, tout comme la musique proposée, devenue désormais marque de fabrique du groupe, et que le duo Gerrard/Perry va s'évertuer une nouvelle fois à perfectionner mais également à faire évoluer.
The Serpent's Egg se présente sous la forme de deux parties plutôt distinctes, partagé donc entre la continuité des deux albums précédents, et une ouverture vers d'autres horizons certes connexes, mais offrant une évolution perceptible de leur univers musical.
Ce sont tout d'abord les cinq premiers titres de l'album qui, dans la lignée de Spleen and Ideal, mais surtout de Within the Realm of a Dying Sun vont entraîner le groupe encore plus loin dans sa quête mystique : orgue d'église, clavecin et cloches pour instruments quasi-uniques, seulement soutenus par quelques coups de timbales. Les compositions sont dépouillées de tout artifice harmonique, l'instrumentation ne venant qu'en simple bourdon des psalmodies du couple, auquel David Navarro Sust vient prêter son concours pour un duo aux accents grégoriens (Orbis de Ignis). C'est l'heure de la grand-messe, recueillement de rigueur pour une musique qui prend très rapidement aux tripes.
Et puis, comme à son habitude, le duo fait évoluer peu à peu son style, en y intégrant de nouveaux éléments. La deuxième partie de "L'œuf du Serpent" va ainsi intégrer des ingrédients que l'on pourra qualifier de "World", et notamment des intonations vocales aux accents venus à la fois de Bulgarie, mais également des steppes asiatiques, avec un chant soutenu par un bourdon "frottant" caractéristique, (Chant of the Paladin, Echolalia). Et loin de s'arrêter à ces seuls éléments, Dead Can Dance expérimente également du côté de l'instrumentation, et plus particulièrement au niveau rythmique, avec un remarquable travail sur les percussions (Mother Tongue, que Philippe Découfflé reprendra en 1992 pour la cérémonie d'ouverture des J.O. d'Albertville, faisant évoluer des patineurs à rollers fantastiques sur ces incroyables contretemps). Et même si Ulysses vient clôturer l'album de manière plus "classique" (pour le groupe s'entend), la porte reste largement ouverte à d'autres expérimentations à venir.
Moins lumineux que son prédécesseur, et donc d'accès plus ardu, The Serpent's Egg marque une sorte de respiration dans l'œuvre de Dead Can Dance, coincé entre un côté mystique très abouti et la recherche d'autres voies musicales… Il reste néanmoins tout aussi indispensable pour appréhender l'œuvre de Lisa Gerrard et Brendan Perry dans sa globalité.