Il aura fallu attendre trois ans pour que Queen donne un successeur à "A Kind Of Magic". Si ce dernier pouvait redonner espoir aux admirateurs de Queen déçus du (relatif) passage à vide que le groupe avait connu sur ses derniers albums, l'inquiétude de voir disparaître à jamais Son Altesse Royale grandissait au fil du temps et des expériences solitaires de Freddie Mercury, Brian May et Roger Taylor.
"The Miracle" est donc en soi un petit miracle, la résurrection d'un quatuor bien proche de disparaître. Un quatuor qui, pour la première fois, co-signe tous les titres même s'il s'agit plus d'un artifice que d'une réalité, chaque titre étant en général écrit par un des membres et plus ou moins agrémenté des idées des autres musiciens. Ainsi 'The Miracle' est à mettre au crédit de Freddie Mercury, ainsi que la somptueuse intro chorale de 'Breakthru', alors que le reste de ce titre a été écrit par Roger Taylor, auteur également de 'Invisible Man'. John Deacon signe 'Rain Must Fall' et 'My Baby Does Me' et Brian May 'I Want It All' et 'Scandal'.
La discrétion de Mercury à la composition est-elle un signe de la maladie qui l'emportera ? Toujours est-il qu'elle donne à l'album une coloration plus rock "nerveux", voire hard rock, que sur certaines de leurs précédentes productions. Les claviers sont en retrait au profit de la guitare et de la batterie et les chœurs angéliques, marque de fabrique de Queen s'il en est, se font discrets.
A côté de titres anecdotiques ('Party', 'Khashoggi's Ship', 'Was It All Worth It', trois rocks stéréotypés, ou 'Rain Must Fall' et 'My Baby Does Me', fantaisies sucrées que Queen affectionne et qui lui permettent de conserver cet éclectisme qui lui sied tant) se trouvent des poids lourds d'une redoutable efficacité. A commencer par 'The Miracle' qui contient tous les tics qui caractérisent le groupe : les chœurs, la guitare volubile, les changements de rythme, le dynamisme et ce chant voluptueux, joyeux mélange de douceur et d'agressivité retenue. 'I Want It All' enfonce le clou de son hard rock carré. Un titre-hymne très convaincant qui donne l'envie de se révolter, même si on ne sait pas pourquoi. 'Invisible Man' verse dans les rythmes syncopés légèrement teintés d'effets sonores futuristes, suivi de 'Breakthru' dont la somptueuse ouverture rappelant 'Bohemian Rhapsody' (encore et toujours !) cède la place au rythme rapide de la basse et la batterie. Le chant intuitif de Mercury, à la fois doux et puissant, donne le frisson. Une émotion qui se retrouve dans 'Scandal', un titre qui traite des démêlés du groupe avec la presse people, celle-ci évoquant le divorce de May et la maladie de Mercury.
Si "The Miracle" n'atteint pas le niveau des albums qui ont contribué à la notoriété de Queen, manquant notamment de l'humour et de la fantaisie des premiers disques, il marque un réel progrès par rapport aux cinq ou six disques qui l'ont précédé et donne un avant-goût de ce que sera l'excellent "Innuendo".