De 1993 à 2000, c’est la mise en cale sèche du navire pop rock des Norvégiens, suite à certains différends internes. En fait, les membres du groupe se sont séparés, plus ou moins officiellement. Mais la jachère aura été profitable : en 1998, de nouveaux projets les réunissent et en 2000 s’ouvrira la troisième phase musicale de A-Ha, démarrant proprement sur les chapeaux de roues. Si "Minor Earth Major Sky" ne peut prétendre détrôner les deux premières réalisations du groupe sur le plan de l’excellence de l’écriture, il ne s’en présente pas moins comme l’un des albums les plus matures et les plus novateurs de sa discographie. Remarquons que la jaquette est la première à ne pas être marquée de l’effigie des trois comparses ; signe des temps, pour l’abolition de l’eighties touch ?
En tout cas, oubliées les hésitations à entrer de plein pied dans l’ère d’une Pop résolument Rock, le titre éponyme annonçant la couleur dès l’ouverture du projet. Mais pour autant, A-Ha ne perd rien de son panache mélodique et multi instrumental. Des titres tels que 'Minor Earth Major Sky', 'Summer Moved On', ou 'Little Black Heart' sont tour à tour (et à la fois ?) symphoniques, cérémonieux et directement ou indirectement acquis à la cause du Rock. 'The Sun Never Shone That Day' est un petit clin d’œil au 'The Sun Always Shines On TV' du premier album, sur une tonalité certes moins engagée, mais aux multiples facettes émotionnelles (encore un oscar à porter au crédit du savoir-faire de Waaktaar).
Mais le trio innove également, en infléchissant l’habituelle et exclusive orientation du chant, par l’introduction de deux voix féminines opportunément complémentaires au vocal de Morten. On y gagne ainsi un très sensuel (et réussi) 'Velvet', et un splendide 'You’ll Never Get Over Me', dans lequel Lauren Savoy donne superbement la réplique au lead masculin, sur de longues et imparables tirades oniriques. Enfin, n’oublions pas de mentionner la présence de quelques spécialités typiques de la maison norvégienne, comme le nostalgique et résigné 'To Let You Win', ou au contraire le popy 'I Won’t Forget Her', fort caractéristique de ses élans insoumis et inlassablement romantiques.
Ce qui frappe dans cet album, c’est cette spiritualité de la composition, de l’instrumentation et de l’interprétation qui parvient à concilier les antagonismes, avec une puissante cohésion sonore. Homogénéité tonale et renouvellement permanent, c’est le doublé de la réussite : pour son retour aux affaires, A-Ha met dans le mille. Si l’on zappe le dispensable 'Barely Hanging On' (Mais que fait donc cette considération passablement atone, au milieu de ce très bel assemblage ?), la copie est un quasi sans faute.