Etonnamment, c’est un peu grâce à Hooded Menace avec lequel il a partagé en 2010 une courte et fameuse rondelle, et bien que les deux groupes soient de prime abord à des années-lumière l’un de l’autre, que Anima Morte a réussi à diffuser son nom auprès du public métallique. Déjà auteurs d’un EP (Viva Morte) et d’un premier voyage dans le temps longue durée (Face The Sea Of Darkness), les Suédois y coulaient dans leur moule hérité du prog antédiluvien transalpin, celui des Goblin ou de Doris Norton (Antonius Rex) par exemple, un titre de Death Doom de leurs compagnons de split pour un résultat tout à fait surprenant.
A l’instar des cinéphiles qui ne cessent de (re)découvrir - à raison - tout un pan du cinéma de genre italien, celui des séries B voire franchement Z, on ne compte plus également les musiciens désormais biberonnés à toutes ces pellicules et à leurs bandes-son tout aussi jouissives. Sorte de croisement entre Zombi (pour la musique) et Blizaro (pour le thème horrifique), Anima Morte rejoint donc le bataillon de ces hommages vibrants pour un art aussi bien visuel que sonore issu des années 70.
Instrumental et constamment rythmé par un déluge d’effluves électroniques variées (mellotron, synthétiseurs, orgue…) qui dégoulinent de toute part (« The Revenant »), le rock progressif bricolé par ces Suédois de sang est clairement italien de cœur, même si les guitares parviennent à se faufiler par moment au milieu de ce maillage synthétique d’un autre âge ("Delirious") cependant que des percussions obsédantes viennent souligner par leurs pulsations le travail des claviers auxquels s’accouple une basse souvent pleine de rondeur.
Le groupe n’invente rien mais s’y entend en terme d’ambiances et de "vibrations". Il suffit de fermer les yeux en écoutant de petites perles dont les noms ne pourront qu’évoquer chez les lecteurs de Mad Movies des images aux couleurs rouges, telles que "Contamination" et autre "Feast Of Feralia" pour imaginer déambuler des cohortes de zombies, de cannibales et de tueurs à l’arme blanche. D’ailleurs, l’album épouse un peu les lignes d’une bande originale de film, avec son intro ("Voices From Beyond"), ses moments de bravoure, ses accalmies, ses montées en puissance et sa conclusion forcément funeste ("The Dead Will Walk The Earth"). Mention spéciale pour "Things To Come" qui, du haut de ses huit minutes au compteur, vous file des frissons, véritable périple à lui tout seul que fracturent plusieurs passages aux teintes hypnotiques ou plus sombres, sans oublier ce "Corridor Of Blood" qui déverse avec largesse ces miryades de sons analogiques.
Les fans du genre se régaleront à coup sûr de cet opus, certes nostalgique, mais qui retrouve la patine sonore de l’époque sans pour autant sonner daté et qui conserve finalement un aspect très organique. Il confirme en outre le talent versatile de Fredrik Klingwall, aussi à l'aise dans l'obscurité néo-classique avec Rising Shadows, dont le nouvel opuscule, Finis Gloriae Mundi, vient à peine de sortir, que dans les couleurs rouges sang du "vintage italian horror music", comme Anima Morte aime à se définir. On ne saurait du reste trouver meilleure étiquette.