Plus le temps passe et plus Ulver semble se sociabiliser. Inutile de ressasser plus encore ses premiers amours pour le Black Metal dévorés par la suite par des aspirations plus pondérées quoique avant-gardistes mêlant l’ambient aux sons électroniques. Aujourd’hui, l’ancien Ulver, loup furtif sortant de sa tanière tous les un ou deux printemps afin d’y recracher ses intrigantes créations, se fait des copains du côté de chez Guapo (le multi-instrumentiste Daniel O’Sullivan est désormais membre actif du combo), se produit sur scène et ose même enregistrer un témoignage sur pellicule de leurs envoûtantes prestations.
A côté de ça, l’ex-trio reste un iconoclaste du monde musical, voguant au gré de ses envies et non des modes, prenant à contre-pied attentes et expectances avec un certain talent qui leur a toujours permis de remporter au final les suffrages. Ulver a eu conscience au sortir de "War Of The Roses" de cette possibilité de diviser sans toutefois mieux régner. A posteriori, l’inquiétude est un peu disproportionnée car il ne devait s’agir que d’une simple évolution, un pas différent des autres faisant cependant toujours partie de cette volontée bien assurée et cohérente de ne pas être étiqueté.
Il faut dire, en fait, que l’approche très pop de certains morceaux ("February MMX", "September IV") quoique déjà bien engagée sur leur précédent effort, a de quoi en dérouter (déranger ?) plus d’un. Tout autant que la langoureuse romance de Siri Stranger sur l’exorde de "Providence", artifice qu'Ulver n’avait pas encore utilisé avec une telle acuité.
Car le leitmotiv conceptuel se référant à l’épisode historique de la « Guerre de deux Roses » et qui en imprègne les motifs musicaux est bien le romantisme ; « les roses sont romantiques, la guerre l’est aussi », expliqueront-ils. Ce voile légèrement velouté, presque chaud, ondule jusque dans le pavé proprement ambient "Stone Angels", sur lequel Daniel O’Sullivan psalmodie un poème de Keith Waldrop, sur fonds d’arrangements instrumentaux minimalistes. Des clarinettes criaillent alors comme autant de paons dans les parcs d’un domaine royal. Un chapitre dont l’effet apaisant tranchera avec l’obscurité de son texte.
Finalement, c’est peut-être lorsque la mutation des Norvégiens se fait le plus sentir que la grandeur des compositions est la plus probante. "Norwegian Gothic" et "England", l’un semblant sorti des sessions de "Shadows Of The Sun", l’autre de celles "Blood Inside", arpentent à ce titre plus difficilement les sommets qu’atteignent leurs homologues.
D’une manière générale, la précision d’horloger des Osloïtes est toujours au rendez-vous, d’autant que le mix orchestré d’une main de maître par John Fryer (Depeche Mode, Cocteau Twins…), permet d’en magnifier les rouages. "War Of The Roses" n’est sans doute pas l’œuvre capitale d’une formation qui n’en finit pas de fédérer mais elle participe par ses nombreuses vertus, sinon de rassembler d’avantage, au moins de maintenir des fans dans leurs retranchements.