Tombé dans le chaudron musical dès sa plus tendre enfance, Franck Carducci est un multi-instrumentiste bourlingueur, tant dans sa localisation (français d'origine italienne désormais installé aux Pays-Bas), que dans son parcours musical, affichant de multiples collaborations dans de nombreux groupes, ou plus récemment en accompagnant à la basse la chanteuse de folk-country Yann Matis.
L'année 2011 le voit publier, avec la bénédiction de Steve Hackett, son premier album en "solo", et ce dans son style de prédilection à savoir du rock progressif directement inspiré des maîtres du genre, ceux qui explosèrent dans les années 1970.
Sans même lire la biographie de Franck Carducci, quelques minutes d'écoute suffiront à tout auditeur un tant soit peu au fait du courant progressif pour identifier clairement les inspirateurs de Oddity : Franck est un admirateur de Genesis et Pink Floyd, et plus particulièrement de leurs guitaristes respectifs que sont le grand Steve Hackett et ses guitares à 12 cordes, et le non moins majestueux David Gilmour et ses fulgurances électriques.
L'album regorge ainsi de références, pour ne pas dire citations, rappelant les albums de la période glorieuse des deux groupes, et plus particulièrement le Flamand Rose : les chœurs de The Quind semblent tous droits sortis du Mur, Alice's Eerie Dream rappelle immanquablement les cochons, les chiens et les moutons d'Animals, leurs rythmiques syncopées et la guitare qui déchire les oreilles. Quant au passage qui illumine le milieu de The Last Oddity, il semble tout droit émaner du quatuor magique Mason/Waters/Gilmour/Wright.
Les influences de Genesis sont également bien présentes, notamment sur la plage d'ouverture ou encore sur The Last Oddity, dont le début rappelle A Trick of the Tail, avec de nombreuses utilisations de la guitare à 12 cordes et de ses arpèges et harmonies magiques. La présence de John Hackett à la flûte ne fait que renforcer cette impression d'immersion dans des ambiances certes connues, mais tellement envoûtantes que l'on ne s'en lasse pas.
Et à part ça ? A part s'inspirer et reproduire, que nous propose donc Franck Carducci ? Eh bien, une reprise un peu casse-croûte de Carpet Crawlers, choix délicat tant ce titre d'anthologie semble compliqué à adapter. Mais notre ami s'en sort avec les honneurs, la présence de violon et de chœurs féminins apportant une autre couleur à cette plage dont tout le monde connaît les coins et recoins. Puis pour changer carrément de cap, The Eyes of Age vient rendre hommage - du moins c'est comme cela que je le ressens - à Yann Matis : folk-song sympathique, mais quelque peu décalé par rapport au reste de l'album, cette plage offre néanmoins une respiration agréable entre les épics qui composent l'essentiel de l'album.
Or donc, Franck Carducci ne nous proposerait qu'un mijet (pour ceux qui n'habiteraient pas dans le Poitou, c'est un mélange de fraise, sucre et vin rouge !) de Floyd/Genesis ? Eh bien oui monsieur, mais pas seulement, car notre instrumentiste multi-cartes réussit la gageure d'intégrer toutes ses références dans une musique finalement très personnelle, bien loin d'un The Watch, et dont l'intérêt ne faiblit pas tout du long des quatre longues plages progressives de l'album.
Les anciens ne produisent plus de musique ? Alors pourquoi se priver du plaisir de la nouveauté "dans le style de" ? Pour ma part, j'ai choisi mon camp, celui qui permet de marier nostalgie et plaisir de nouvelles découvertes. Et avec Oddity, Franck Carducci réussit avec talent à contenter ce deuxième versant. Alors ne boudons surtout pas notre plaisir !