A l’aube naissante des années 80, "Tangram" est un album qui marque un certain tournant dans la longue carrière discographique de Tangerine Dream.
Johannes Schmoelling fait son entrée, prenant part au jeu des claviers ; mais ce n’est pas la remarque essentielle qu’il faut souligner ici.
En premier lieu, les sons s’affranchissent de la rugosité inhérente à celle de la décennie précédente ; on entre ici dans une nouvelle ère, celle d’une production moderniste où le moindre risque d’aspérité indésirable semble avoir été irrémédiablement ciblé et annihilé – au détriment peut-être d’une expressivité plus naturelle, pourront penser les aficionados de la période seventies. D’autre part, ce projet est le dernier représentant réellement crédible des formats unitaires ayant fait les heures de gloire du rêve mandarine. "Tangram" ne contient que deux éponymes, affublés de leur suffixe respectif 'Set 1' et 'Set 2'. Non qu’Edgar Froese et son complice Chris Franke vont délaisser l’écriture des longues suites instrumentales dont ils connaissent si bien les recettes, mais parce que les compositions de moyennes et courtes durées vont prendre désormais le pas, et de plus en plus souvent, pour l’essentiel de l’œuvre à venir. Par ailleurs la version de 2008 ne cherchera pas à ressusciter le modèle de 1980 : au programme de cette nouvelle mouture, un découpage en pas moins de 7 pistes, affichant des durées très disparates, de 2 à 10 minutes.
Pour l’heure, simplicité de la structure à l'appui, ce "Tangram" se présente-t-il comme un nouvel album-concept ? Pas sûr. La première partie est construite à la manière de 'Force Majeure', l’éponyme de l'opus précédent, avec toutefois beaucoup moins de contraste dans le jeu des alternances émotionnelles. On navigue toujours entre deux dualités psychologiques, mais de manière beaucoup plus fluide (comprendre de manière moins remarquable). Si certains auditeurs préféreront peut-être cette tournure, la méthodologie qui lui est propre ne nécessite sûrement pas le même niveau de virtuosité. La conclusion de ce premier moment elle aussi est orientée vers une forme de libération spirituelle, tout en conservant l’aspect filigrané de l’ensemble.
Pour sa part, le second titre se révèle encore plus neutre dans sa tonalité et ses évolutions émotionnelles, bien que très agréable à l'oreille. On retrouvera ici et là certains ingrédients de "Rubycon" et de "Ricochet", mais le relief général de la composition a été sérieusement aplani. L’omniprésence de synthétiseurs un brin (trop) scintillants, la surexploitation des boucles rythmiques ou l’absence de final véritable sont autant d’éléments qui cantonnent essentiellement ce 'Set 2' à la fonction d’ambiance instrumentale, sans que cela ne porte en soi de connotation dévalorisante.
En conclusion, il faut évaluer "Tangram" pour ce qu’il est : un projet à vocation ambient-électro, tout à fait honorable dans ce registre. Il en découle immanquablement que son armement cérébral et progressif n’est pas à la mesure de celui d’un "Ricochet", "Stratosfear" ou "Force Majeure".