Mais comment fait donc Frederic Harbour, fondateur du label Cyclic Law, notre pharmacie préférée en matière d’Ambient, et par ailleurs artiste actif avec Longing For Down, Visions et bien d’autres encore, pour toujours dénicher des entités aussi intrigantes que talentueuses ? Dernière en date, Psychomanteum nous vient des Etats-Unis et s’arc-boute autour d’un duo de musiciens se partageant le travail de composition et d’interprétation.
Son nom, celui de son premier album ainsi que le visuel de ce dernier sont des indices révélateurs quant à la direction prise par le projet. Car n’en doutez pas, si pour les éternels hermétiques au genre, rien ne ressemble plus à un disque d’Ambient qu’un autre disque d’Ambient, la réalité est en fait plus complexe, plus nuancée, quand bien même certaines caractéristiques s’avèrent être quasi immuables, à commencer par l’atmosphère inquiétante ou la puissance sourde qui forment le terreau dont a besoin cette musique pour se développer.
Ainsi, s’il respecte fidèlement ces invariants, Oneironaut se veut plus contemplatif qu’effrayant. En huit pistes, il étire une toile à la beauté étrange, presque cosmique. Il est une plongée dans la psyché humaine, dans le monde des rêves qui se déploie par le biais de nappes sonores vaporeuses insaisissables et de bidouillages aux tonalités industrielles, parfois aux confins du Drone.
Espace opaque aux contours volontairement flous qui paraît n’être constitué que d’une seule unique plage de plus de 60 minutes, Oneironaut est la matérialisation sonore de l’immatériel. Là où Visions par exemple explore la beauté astrale, Psychomanteum erre dans un autre infini, celui de notre esprit en un kaléidoscope de sons tour à tour envoûtants, mystérieux ou bizarres. Il s’agit d’une œuvre d’un éclat onirique terrifiant et d’une puissance visionnaire qui l’est tout autant.
Comme souvent avec l’Ambient, où la capacité à donner des frissons et à vous emporter très loin prime sur l’originalité à tout prix, la réussite de cet album sera forcément subjective car il n’innove en rien, empruntant une voie déjà tracée par d’autres. Mais l’écouter étendu dans une pièce peu à peu avalée par l’obscurité, les yeux scrutant le plafond, Oneironaut est capable de propulser l’auditeur dans les sphères de l’inconnu, de l’infiniment grand et ce faisant, se pare d’une aura d’Absolu. Décollage garanti.