S’il n’est pas encore officiellement mort, il n’empêche que Shape Of Despair est entré depuis maintenant un bon moment – son dernier chef-d’œuvre date tout de même de 2004 - dans une phase de sommeil prolongé, à peine interrompu par quelques maigres efforts. Mais le groupe a fait des émules et il n’est pas la peine de forer très loin dans la glace pour en dénicher. La preuve, Ablaze In Hatred, pour n’en citer qu’un seul, nous vient également de Finlande, terre il est vrai fertile pour le Doom des abysses.
Son premier essai, "Deceptive Awareness" se nourrissait déjà de l’humus de Shape Of Despair. Cela est encore plus évident avec son successeur, "The Quietude Plains", comme l’illustre notamment le gigantesque titre d’ouverture. Long d’une dizaine de minutes, 'A Walk Through The Silence' convoque avec panache et réussite le fantôme du groupe de Jarno Salomaa. Cette voix féminine plus spectrale qu’éthérée et ces atmosphères vaporeuses qui s’étirent sur des nappes de claviers participent aussi de cette filiation.
Ceci dit, réduire Ablaze In Hatred à une simple photocopie, aussi inspirée soit-elle, ne serait pas lui rendre justice car il mérite mieux que ce raccourci tentant. En effet, il y a quelque chose de beaucoup plus dur, de plus minéral chez lui. Si les voix d’outre-tombe et la froideur de l’ensemble sont estampillées 100 % finlandaises, les guitares qui tissent une tristesse absolue ont davantage un goût anglais. Et de fait, ce qui est désormais un quintet depuis l’arrivée à temps plein d’une claviériste, dresse un pont entre deux écoles de la douleur : la finlandaise et la britannique.
"The Quietude Plains" est donc un bloc compact qu’aucune lumière ne vient jamais réchauffer, dont aucune accélération salvatrice ne vient jamais briser l’inexorabilité. Avec une lenteur tout étudiée et un monolithisme admirable d’équilibre, il plonge dans l’obscurité tout ce qui l’entoure. Par le biais de longues échappées automnales, cet album érige un Doom funéraire implacable et écrasant, toujours coloré malgré tout de ce sens de la mélodie typique du Pays des mille lacs.
Contrairement à son modèle, ce ne sont pas les claviers, plutôt parcimonieux et davantage utilisés pour souligner les ambiances, qui constituent la clé de voûte de l’édifice mais toujours les guitares dont le caractère obsédant (le quasi instrumental 'My Denreste End') fonctionne comme une vigie guidant le pèlerin dans un brouillard nocturne pour finalement l’attirer dans un abîme sans retour.
C’est bien fait, très bien fait même, tant Ablaze In Hatred maîtrise le style avec une classe folle et confirme tous les espoirs placés en lui lors de la sortie de "Deceptive Awareness", dans la lignée duquel s’inscrit "The Quietude Plains" qui parvient même à le dépasser, ce qui n’est pas un mince exploit. Bref, le Doom finlandais a encore de beaux jours devant lui.
A noter que l’édition limitée propose un second disque riche deux reprises dont le 'Out Of Hand' d’Entombed, transformé ici en une complainte sinistre et agonisante.