Etonnant parcours que celui de Neige chanteur émotionnel et guitariste habité. Au départ, du Black metal, celui de Peste Noire dont il a longtemps été un accessoire, de Mortifera et du premier signe de mort de son propre projet Alcest, Tristesse hivernale. A l'arrivée, un metal plus atmosphérique (Le secret, Souvenirs d'un autre monde) qui a su larguer les amarres quand bien même les racines noires font parfois encore plus qu'affleurer à la surface, témoin la participation du musicien au Race Of Cain de Forgotten Woods et au .Neon de Lantlôs.
Après le testament de Amesoeurs offert dans une incompréhension regrettable, Neige revient avec ce que l'on peut consider comme son jardin secret. Ecailles de Lune, que précédait un split précieux avec Les Discrets, le groupe de son ancien compère Fursy Teyssier, marque un retour vers des atours parfois franchement Black. Alcest est détenteur d'une identité qui n'appartient qu'à lui. Un son granuleux, une voix fragile qui semble souvent être à deux doigts de se briser et ce dosage entre un rock intimiste et une ambiance héritée du Black metal déterminent notamment cette signature singulière.
Ce deuxième opus marque le retour des compositions qui se déploient sur des durées assez longues (trois des six pistes dépassent les huit minutes), format propice à l'installation d'atmosphères stratosphériques et d'une douce mélancolie. Ecailles de Lune s'ouvre sur le diptyque éponyme. Aérienne, la première partie tricotte des effluves presque post rock. Aidé de sa guitare qui décolle très haut vers un ciel cependant chargé de nuages, Neige pose son chant insaisissable sur cette trame que mine un désenchantement profond. L'accéléraion finale qui s'enfoncent dans un substrat très Black est des plus jouissives cependant que le second volet le voit renouer avec un registre écorché qui lui sied tout autant. Très sombre, cette partie progresse néanmoins peu à peu vers une lumière grise, celle du début, ce qui contribue à conférer à "Ecailles de lune" des allures cycliques.
Enténébré par le chant hurlé du Français, "Percées de lumière" réussit la synthèse parfaite entre metal noir grésillant et envolée post rock. L'homme y tisse un cavenas écrit à l'encre d'une émotion à fleur de peau. Après le court instrumental "Abysses", l'album entame sa dernière ligne droite avec tout d'abord le diaphane "Solar Song" qui irradie une chaleur lumineuse, perle blanche d'une beauté vaporeuse. Puis, en un murmure contemplatif, "Sur l'océan couleur de fer" entraîne Ecailles de Lune, de longues minutes durant, vers une mort lente et légère comme une bulle, rêverie d'une poésie fantomatique. Alcest semble alors complétement échapper au monde du physique. On voudrait l'attraper qu'il nous échapperait à tout jamais.
Presque quatre ans après Souvenirs d'un autre monde, Neige signe une oeuvre très belle, une épure qui s'impose (pour l'instant) comme l'apogée de sa carrière sous cette bannière.