Alors qu’il se plaît à se surnommer le groupe le plus laid du monde ("The Ugliest Band In The World"), The Muggs pourrait tout autant (voire plus) se faire appeler le groupe le plus malchanceux du monde ("The Unluckiest Band In The World"). En effet, après avoir dû faire face au grave accident de santé de Tony Denardo, se débrouiller sans le soutien d’un label, gérer les difficultés inhérentes à l’organisation d’une tournée en dehors de ses Etats-Unis natals, voilà que, alors qu’ils venaient d’enchaîner avec succès plusieurs dates en Espagne, les 3 membres du combo de Detroit se sont retrouvés bloqués en Europe en raison des cendres d’un volcan islandais les obligeant à dépenser tous leurs gains et même plus, dans un séjour aussi prolongé qu’imprévu.
Pourtant, comme à son habitude, le groupe s’accroche, même s’il doit également remplacer Matt Rost à la batterie, celui-ci ne pouvant plus cumuler la musique avec ses obligations professionnelles. Voici donc que sort un "Born Ugly", preuve de la vitalité de The Muggs face aux contrariétés en tous genres. Et une nouvelle fois, Methric & Cie réussissent à la fois à nous surprendre sans pour autant nous faire perdre nos repères. Toujours enraciné dans les 70’s, "Born Ugly" se fait plus sombre, à l’image des superbes visuels empruntés à Audrey Beardsley, Vincent Van Gogh et Claude Vernet. Mais comme dans toute œuvre torturée, la lumière qui en jailli n’en est que plus aveuglante. Comme la pause aussi naïve que reposante d’un "World Around" surgissant après l’étouffant enchainement d’un "Sturm And Drang" flirtant avec le doom, et d’un "Hats Off To Mr. Beardsley" menaçant.
Propulsée par le jeu riche et technique de Todd Blass, son nouveau batteur, la paire Methric / Denardo nous propose une œuvre à la fois compacte et variée, accrocheuse ou inquiétante, enchaînant 3 titres en un seul ensemble, et ménageant des pause de respiration. L’influence des plus grands se devine aisément sans jamais ternir la qualité de l’inspiration. On pense tour à tour à Humble Pie ("Blood Meridian"), Led Zeppelin ("6 To Midnite" et sa jam centrale enfumée), Black Sabbath ("Sturm And Drag") et même à ZZ Top ("le riff boogie rock de "Loosing End Blues") et aux Beatles par l’utilisation de chœurs riches et harmonieux, sans oublier The Doors grâce aux superbes lignes de basse de Tony.
Un brin moins accrocheur que "On With The Show", "Born Ugly" n’en est pas moins plus profond et plus riche, une richesse dont il y aurait encore beaucoup à dire, véritable voyage intérieur confirmant la progression régulière de The Muggs. Il ne reste plus qu’à espérer que ce petit bijou mettra fin à la malédiction qui s’acharne sur le groupe depuis ses débuts, et qu’il permettra à l’attachant trio d’obtenir la reconnaissance qu’il mérite plus que largement !