Malgré une trilogie d'albums exceptionnels parus en l'espace d'un an ("Godbluff", "Still Life" et "World Record"), le succès escompté n'est pas au rendez-vous pour Van der Graaf Generator. La faute en partie à un manque de soutien de leur label et à l'intransigeance du groupe qui ne cherche pas à ce que sa musique soit plaisante, mais sincère.
Du coup, Hugh Banton et David Jackson jettent l'éponge, les maigres recettes ne leur permettant pas de faire bouillir la marmite de leur petite famille. Peter Hammill, loin de se décourager, décide de poursuivre l'aventure accompagné du fidèle Guy Evans, et complète l'effectif par un revenant à la basse, Nic Potter déjà entrevu sur "H To He Who Am The Only One" et "The Least We Can Do Is Wave To Each Other", et un nouveau venu, Graham Smith, violoniste de son état, ex String Driven Thing.
Sur le fond, ce nouveau quatuor ne remet pas vraiment en question la démarche jusqu'alors suivie par le groupe. Peter Hammill en est toujours le leader charismatique et le compositeur quasi exclusif (seul 'Cat's Eye' est co-écrit avec Graham Smith). Pourtant, afin de marquer la rupture avec le passé, le groupe raccourcit son nom : exit le Generator. Parallèlement, il raccourcit également la durée de ses titres qui délaissent les structures à tiroir chères au rock progressif pour adopter un format plus conventionnel couplet/refrain. Enfin tout est relatif car on parle ici de conventionnel à la sauce Hammill, c'est-à-dire avec des cassures de rythmes imprévisibles, des écarts de voix improbables, des dissonances maitrisées et des mélodies atypiques difficilement mémorisables.
Cette évolution radicale permet d'éviter les comparaisons entre les deux combos, même si à l'époque de sa sortie ce disque avait déçu de nombreux fans ne retrouvant plus dans cette musique leur groupe fétiche. Pourtant, hormis le dispensable 'The Sphinx In The Face' et sa reprise (et ce malgré la présence de David Jackson sur ces deux titres), Peter Hammill nous livre des compositions ciselées, moins noires que sur les opus précédents, mais néanmoins fortement empreintes de nostalgie ('Lizard Play', 'The Habit Of The Broken Heart', 'Last Frame', 'The Wave'). Comme à son habitude, son chant écorché vif nous vrille jusqu'aux tréfonds de l'âme et le violon parfois grinçant de Graham Smith ajoute au spleen ambiant. Ce duo violon/voix est particulièrement efficace sur 'Cat's Eye / Yellow Fever', un titre oppressant et énergique qui fait monter l'adrénaline à merveille.
Après ce disque, VDG(G) va mettre sa carrière entre parenthèses pour de longues années, Peter Hammill poursuivant seul sa course de manière fort prolifique. Dommage, car la qualité est au rendez-vous et cet album n'a pas à rougir de la comparaison avec ses illustres prédécesseurs.