A chaque fois qu’une nouvelle pierre discographique est posée, les Norvégiens de A-Ha réorientent la donne, plus ou moins sensiblement. Depuis la résurrection de l’année 2000, nous aurons ainsi profité d’un "Minor Earth Major Sky" à la fois rock et romantique, à l'écriture très moderne, d’un "Lifelines" marquant un certain retour à une inspiration pop FM de luxe, plutôt lyrique, et 2005 verra donc la sortie de cet "Analogue", se positionnant comme production pop/rock ténébreuse et philosophique, cherchant à s’affranchir d’un catalogage trop facilement radiophonique et surtout d’une imagerie un brin trop innocente ou insouciante (le clip de 'Celice', que vous pourrez découvrir avec cette chronique, parle de lui-même).
Le concept, cette fois-ci, ne fonctionne pas à plein rendement. En effet, de nombreux titres vont se retrouver sur le plan du petit quelque chose à se reprocher. Quelques exemples: on décèlera on ne sait quoi d’un peu soporifique à 'Don’t Do Me Any Favours', en dépit de sa rythmique galopante et d'un très beau final. Le titre éponyme ne porte pas les couleurs du projet aussi haut que d’habitude (sa ritournelle s’épuisant très vite), 'Halfway Through The Tour' est trop long en regard de sa consistance mélodique en demi réussite, et 'Over The Treetops' se révèle passablement atone. Oublions carrément l’inutile 'Make It Soon', gâché par sa tirade de cordes électriques saturées, franchement insupportable.
De l’autre côté de la balance, félicitons l’énergique et très combatif 'Celice', ouvrant le programme, les talentueux 'Cosy Prisons' et 'Keeper Of The Flame' aux circonvolutions vocales et narratives des plus raffinées, l’évanescent et spirituel 'Birthright', ou le magnifique 'A Fine Blue Line', qui est à l’album ce que 'White Canvas' est à "Lifelines" : un emblème du savoir-faire poético-romantique des Norvégiens (au passage, un même combat pour deux titres signés l’un et l’autre par Magne Furuholmen).
"Analogue" réédite un peu le profil musical de "Memorial Beach" : sa tonalité est parsemée de reflets obscurs et tragiques qui scellent la cohésion de l’ensemble, les mélodies sont réussies voire très réussies (pour une moitié des titres au moins), mais les interprétations vocales et instrumentales ne semblent pas s’impliquer plus que cela. Etonnant, au regard de l'effectif du line-up. Il semblerait que dans ce registre mélancolique, les Norvégiens soient quelque peu pris à défaut lorsqu’ils composent de manière trop linéaire, sans injecter le piment de l’écriture tortueuse et torturée d’un "Scoundrel Days", ou à moindre mesure d’un "Stay On These Roads".
Mais, pour le fan qui se respecte, il serait déraisonnable de passer à côté de cet album, car si la production hasardeuse est responsable de quelques vagues, les pépites disséminées ici et là font d’ "Analogue" un (très) bon moment musical, sur la globalité - tout de même !