DIRGE: Elysian Magnetic Fields (DOOM) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Alors qu'il n'était pourtant plus un puceau (il est né en 1994 et avait déjà gravé trois autres albums avant plus à peu près autant de démos), Dirge aura finalement dû attendre 2007 et Wings Of Lead Over Dormant Seas pour enfin imposer son nom au sein de chapelle post-hardcore et au-delà. Il faut dire que les Français y avaient vu les choses en grand, ou plutôt en lourd, avec cette double ration monstrueuse de roches érodées par l'océan neurosien dont la piste éponyme s'étirait sur un seul disque durant près d'une heure .

Mais que faire après avoir accouché d'une telle progéniture dont ni les auditeurs ni ses auteurs ne se sont encore tout à fait remis ? Quatre années auront donc été nécessaires pour que ces derniers se ressourcent, retrouvent le fluide leur permettant d'une part de se montrer à la hauteur de ce pavé et, d'autre part, de prendre leur distance par rapport à une scène, dont ils comptent parmi les pionniers, mais qui n'a pas attendu son retour pour devenir à la mode.

D'une structure de prime abord plus classique en cela, qu'il n'agglomère cette fois-ci que des titres d'une durée (un peu) plus raisonnable, oscillant en moyenne entre sept et onze minutes, Elysian Magnetic Fields affiche de fait des traits plus accessibles. Le terrain est connu, à l'image de "Morphée Rouge" qui, placé en ouverture, adopte les formes épaisses d'une longue pièce hardcore, parfaitement maîtrisées mais à laquelle on préférera néanmoins ce qui suit.

En effet, si le reste a toujours les pieds prisonniers d'une couche de ciment qui l'empêche d'avancer autrement qu'en seconde, il en émane des atmosphères plus élaborées, écartelées entre tension et suint hypnotique, qui toutes trempent leur pinceau dans une palette aux couleurs d'une désespérance cendreuse. A la fois granitique et aérien dans sa beauté noire et magnétique (à l'image de cet "Apogee" vrillé par une mélancolie absolue mais belle), l'album est irrigué par des câbles de tristesse et n'en reste pas moins une oeuvre dont seules de multiples écoutes pouront en déflorer l'essence. Bloc de matière compacte et aride, Elysian Magnetic Fields n'offre son intimité qu'après de longs et douloureux préliminaires. Mais au terme de ces coups de boutoir d'une pensanteur hallucinante, la jouissance surgit, une jouissance malsaine qui laisse un goût amer et sale dans la bouche tant cet album ruissèle d'une noirceur que les nombreux aplats atmosphériques ne suffisent pas à effacer ni même à atténuer.

Dirge a donc parfaitement négocié son retour avec un opus davantage porté sur les ambiances que sur l'aggression, mais cela suffira-t-il à lui faire rattraper le temps perdu ? Sans doute ses membres se moquent-ils pas mal de ce genre de considération qui n'a de toute façon aucun sens au sein d'une mouvance qui s'adresse plus à des passionnés qu'à des suiveurs de mode.

DIRGE

ELYSIAN MAGNETIC FIELDS

AUTRE LABEL

DOOM