Si, comme à moi, Obiymy Doschu vous évoque vaguement le nom d'une ile japonaise, sachez que s'il s'agit bien d'un groupe venu de l'est, il n'a cependant aucun rapport avec l'empire du soleil levant. En effet, Obiymy Doschu est un groupe ukrainien de Kiev. Son line-up étoffé aligne à côté des instruments traditionnels (claviers, basse, batterie et guitares) une section de cordes (violon et alto), le leader du groupe, Volodymyr Agafonkin se réservant quant à lui les nombreuses parties de guitare acoustique et nous faisant le plaisir de chanter dans sa langue natale.
Comme l'ukrainien n'est pas couramment parlé par le français moyen, le groupe a eu la délicatesse de traduire les titres ukrainiens en anglais. Ainsi apprend-on que le titre de l'album, "Elehia", signifie Elégie. Pour ceux qui l'ignoreraient, élégie, dont la traduction littérale issue du grec est "chant de mort", désigne un poème lyrique dont les thèmes tournent autour de la fuite du temps et de l'amour, la mélancolie et la mort.
Nous voilà prévenus : la musique risque d'avoir peu de points communs avec celle du dernier CD de Patrick Sébastien. Autre indication, un coup d'œil à la setlist, riche d'un vocabulaire imprégné d'une gravité certaine (cloud, dead tree, wind, withered flowers, fading autumn, winter, lonely, eternity), où seul le titre bonus laisse un peu percer l'espoir (Sunrise).
C'est donc sans surprise que le premier titre commence (et se termine) sur un bruit de pluie et une mélodie mélancolique à la guitare acoustique et au violon. Le ton est donné et Obiymy Doschu ne s'en départira plus d'un bout à l'autre d'"Elehia" la bien nommée. Tous les titres font preuve d'une grande homogénéité tant par le tempo, le plus souvent assez lent, que par les atmosphères, d'un romantisme spleenien, ou encore par les partis-pris techniques, rythmique, claviers et guitares électriques mixés en retrait étoffant les compositions pour mieux mettre en relief les instruments solistes (guitare acoustique et violons). Les mélodies sonnent très agréablement à l'oreille, sans originalité excessive mais sans mièvrerie ni longueur. Elles alternent passages intimistes et symphoniques, évitant ainsi toute lassitude.
Enfin, votre premier contact avec le chant ne devrait pas vous laisser indifférents. D'une part la langue ukrainienne lui donne une consonance inhabituelle pour une oreille occidentale. D'autre part Volodymyr Agafonkin dont la voix assez grave et parfois profonde a un timbre plutôt quelconque, chante d'une manière assez ampoulée et désuète. Pourtant, au fil des titres, on se fait à cette voix qui colle si bien à la musique au point de s'y habituer totalement à la fin de l'album et d'apprécier pleinement les échos douloureux qu'elle charrie et le charme slave de ces "r" qui roulent.
"Elehia" est rempli de bonnes surprises et, ce qui est l'essentiel, de bonne musique. Sans avoir l'air d'y toucher, Obiymy Doschu délivre un très bel album qui, s'il ne révolutionne pas le monde du rock, se révèle poignant et intense. Laissez-vous emportez par le superbe final de cordes de 'My Little Star', la touche de féminité qu'apporte la voix de Hanna Kryvonos sur 'Fading Autumn', les mouvements tragiques de 'Winter Elegy' et 'On The Way Of Eternity', la douceur nostalgique de 'Under Clouds' ou 'Lonely Nights'. Vague à l'âme et mélancolie vous tiendront compagnie lors de ce très bon moment musical.