Il est des choses qui ne s’expliquent que difficilement... Prenez par exemple le groupe francilien Ekynox, qui nous présente son tout dernier bébé, “Supernatural Ultimate Emotion”, un titre pas très logique pour un groupe francophone, mais glissons.
Voici un groupe qui utilise les méthodes et les codes du progressif : morceaux de longueur conséquente, autorisant breaks et digressions appréciables, mélange des styles (‘Le Sommeil des Néréides’ est un mix assez inattendu entre prog et R’n’B), variété dans les timbres, même si ici l’auditeur sera déçu de ne pas retrouver les sonorités de sax qui étaient une des marques de fabrique du combo, lyrics en français, à tendance poétique, donc travaillés.
Voici un groupe qui tient la route techniquement : l’auditeur entendra des solos de guitare assez pointus (‘Escale Sur Utopia’), une basse virevoltante (et assez canterbury sur le morceau-titre), une batterie précise, des claviers diversifiés (mais parfois improbables, comme sur ‘Osmose’).
Et pourtant, la sauce a du mal à prendre. Est-ce à cause des textes qui, recherchant à tutoyer le poétique, ne réussissent souvent qu’à asséner des aphorismes définitifs qui fleurent bon la prise de tête dite de bon aloi ? Un petit florilège pour le plaisir, un extrait par titre : “on se prend tous à douter de nos certitudes sur la mortalité - j’ai le cœur qui tambourine quand la nuit nous force à ralentir - mais l’eau n’est pas humaine bien qu’en nous chaque instant - te revoir, c’est comme voir de la terre à la lune - c’est tout l’univers qui converge à nos vies pour cette bluette”... Est-ce parce que, en voulant chercher des associations de styles, les collages finissent par être trop artificiels ? Le soul-R’n’B prog du ‘Sommeil des Néréides’ est à ce titre assez démonstratif : si l’intro est dans le plus pur style progressif, genre Camel ou plus récemment No Name ou tout autre groupe apparenté au début des années 80, la suite, beaucoup plus pop R’n’B, est truffée de tics vocaux “mode” assez horripilants (Christophe Maé n’est pas loin !). Ou bien doit-on ce désintérêt aux tentatives vocales du chanteur qui s’égare dans les aigus importuns (‘Exils’ : n’est pas Ian Gillian qui veut!). Toujours est-il que c’est dans la simplicité que le résultat est le meilleur : ‘De l’Ether à la Lune’ est réussi, mais pour le coup, pas original, alors que les autres titres, en cherchant à se démarquer, tombent souvent dans l’ornière de la confusion.
Ekynox illustre donc ici la difficulté qu’il y a à se trouver un style tout en gardant une cohérence musicale identitaire. Si l’album précédent, en s’appuyant sur le sax, avait su trouver une couleur, “Supernatural Ultimate Emotion” apparaît malheureusement beaucoup plus terne et surtout plus emprunté. Rien qu'avec le titre, nous aurions dû nous méfier...