Hybridation naissante des formations Hainloose et Boxhead, voici trois musiciens allemands qui unissent leurs forces, le temps d’un "Agents Of Sentimentality" proposé sous le patronyme de The Dawn Band. Synergie payante ou association hasardeuse ?
Le projet n’est sûrement pas dénué de bonnes intentions, l’énergie brute qu’il dégage en témoigne généreusement. 'Love Is A Burglar', en tête de liste, émane sans conteste d’une bonne idée, sous forme de croisement d’épaisses nappes électriques et du vocal feutré de Daniel Zerndl, au bénéfice d’une même flânerie aérienne et onirique. Et pourtant, tout occupée à exhaler ses riffs de six cordes tonitruantes ou l’originalité de ses vocalises oscillant entre murmures et hurlements, la suite du programme va en oublier de peaufiner le fond.
Ainsi par exemple, 'City Lights' n’en finit pas d’étaler sa conclusion qui tourne en boucle sur elle-même ; les circonvolutions et la dynamique de ce morceau sont loin d’être inintéressantes, mais c’est l’impression d’inspiration inachevée qui finit par l’emporter. Quelle est l’orientation émotionnelle privilégiée ici ? Assez difficile à définir, et les Ouh, Ouh ! très seventies (façon Rolling Stones, par exemple) ne suffisent pas à sauver totalement la mise.
Diagnostic similaire pour le titre suivant, 'Lost Soul At The Night Club', certes beaucoup plus court, mais qui se contente d’exploiter la répétition d’un gimmick électro-pop en ouverture, décliné en version hard rock sur la clôture. Sans vouloir nécessairement continuer sur la lancée, on peut également pointer du doigt le final de 'Surfing The Big Wave' qui ressemble de près à un exercice de gammes de cordes électriques, alors que les phrasés du départ auraient pu laisser espérer un peu plus de richesse mélodique pour la conclusion de ce moment potentiellement progressif, avoisinant les 9 minutes.
'Boat Across The Ocean' pour sa part ménage une petite pause champêtre, aux élans blues et country, qui sans être en phase avec l’essentiel des autres compositions, est plutôt bien accueillie par les oreilles. Le vocal féminin apporte ici son agréable touche d’insouciance et de bien-être spirituel, sans que l’on parvienne réellement à déterminer si ce sentiment est essentiellement redevable à la composition en elle-même, ou bien au contraste provoqué par la brusque différenciation de la charge et de l’habillage sonores (faisant d'un coup chuter la tension). D’autres ruptures, cependant, sont plus discutables. Ainsi, la cohabitation d’une tirade vocale murmurée ou étouffée et d’une vocifération saturée propre au Rock extrême, au sein du même 'Amour’s Ark', relève cette fois-ci de la fausse bonne idée, dans la mesure où elle ne débouche sur aucun effet de style ou autre contrepoint émotionnel.
Alors oui, on peut constater, tout au long de cette épopée rock, hard, s’aventurant même volontiers au-delà des genres, diverses tentatives qui cherchent à favoriser l’innovation tonale ou conceptuelle. Comme en témoigne cet improbable mellotron, en franc-tireur instrumental, dans la reprise de 'Love Is A Burglar' : tout-à-coup, voici les guitares qui cèdent le pas à la révolte d’un clavier en transes, insufflant au morceau un bel élan progressif et psychédélique. Mais si le désir inventif est présent, c’est son potentiel de productivité qui peine à s’affirmer, globalement.
On reste donc sur le sentiment d’une musique en quête d’identité et de maturité. Dans ce registre majoritairement rock et post-rock, il est vrai qu’il n’est pas aisé de tirer son épingle du jeu ; les acteurs de ce Dawn Band n’ont peut-être pas suffisamment accordé leurs visions créatives au préalable. Parions sur une méthode et sur une écriture plus abouties à l’occasion d’un prochain opus.