Aussi éloigné que possible du black metal evil et primitif dont est coutumier Trondr Nefas avec Urgehal, Beastcraft ou Vulture Lord, pour ne citer que quelques-uns de ses projets, Flukt, le premier vol habité de Angst Skvadron a pu étonner ceux qui suivent le bonhomme depuis plus de quinze ans d’activisme par ses effluves seventies et franchement progressives. L’album n’était pas parfait mais son charme et son côté vintage assumé en a fait néanmoins une des bonnes surprises de l’année 2008.
Si à l’origine, l’entité a été conçue par le Norvégien comme une sorte de catharsis, expliquant son caractère franchement personnel, Angst Skvadron adopte désormais les allures d’un vrai groupe, ou du moins s’en rapproche, quand bien même son géniteur en demeure le principal cerveau. Plus soigné et élaboré que Flukt, Sweet Poison creuse cependant un sillon identique, faisant copuler un black métal sinistre souvent lancinant ("Valium Holocaust"), plus véloce parfois ("Aerophobia") avec des volutes issues d’un prog antédiluvien, le tout sur fond de thématique spatiale et de médicaments (?).
Peut-être plus violent que son prédécesseur, ce deuxième essai propose des morceaux mieux structurés, enveloppés dans une production plus puissante et plus claire. Sombre et cosmique, un titre tel que "Posttraumatic Stress Syndrome" démontre les progrès réalisés par le vaisseau spatial norvégien en termes d’architecture et d’arrangements.
Trondr Nefas enfonce sa patte avec davantage de facilité dans cette fente seventies. Ca coulisse mieux. L’étrange "Dolcotin Blues", enténébré par un son de Mellotron hanté digne du King Crimson de l’âge d’or, "Fucking Karma", que drape un écho féminin fantomatique, ou le superbe "Rivotril Matja", vibration léthargique et hypnotique, dépassent ainsi le cadre du simple hommage pour élaborer un style personnel propre au groupe, ni maladroit ni nostalgique.
Etonnamment, c’est lors des pauses instrumentales aux forts relents psychédéliques et sans aucun oripeaux black metal que Angst Skvadron atteint une forme de grâce merveilleuse, à l’image de "My Miss Them", respiration doucereuse belle comme un chat qui dort en boule, ou du final "Sweet Poison", qui semble tout droit sorti des vénérées années 70. On retrouve là avec plaisir cette patine chaude typique de cette époque et aujourd’hui révolue.
Voilà encore un très bon disque qui permet à son principal auteur de peaufiner son écriture, auquel, toutefois, on préfèrera peut-être Flukt, moins maîtrisé mais plus authentique et détenteur d’une sorte d'innocence qui s'est envolée.