Il est des albums plus faciles à chroniquer que d'autres. Dans certains cas, les qualités (ou les défauts) sont tellement évidents qu'il ne reste plus qu'à trouver les mots justes pour traduire les impressions ressenties sur le papier. Tel n'a pas été le cas avec "Ignition", premier album du groupe portugais Flammärion.
Le groupe est constitué du binôme Bruno Migue et Luis Alfonso, tous deux assurant les parties de guitares, claviers, chant et batterie programmée et se répartissant la composition des morceaux, dualité d'autant plus alléchante que si Bruno Miguel se dit influencé par Dream Theater, Queensrÿche, Threshold, Edguy ou Stratovarius, Luis Alfonso est principalement attiré par des groupes tels Pink Floyd, Genesis et Camel, sans dédaigner des détours par Queen, Supertramp, Marillion, et autres Toto.
Effectivement, cette dualité se retrouve bien dans "Ignition" qui alterne titres à tendance métal prog ('Look The Other Way', 'Darkness'), rock FM ('Look At Me'), prog des années 70 ('Shooting Star', 'Declaration Of Insanity', 'Lost') et musique atmosphérique ('The Arrival') sans que la cohérence de l'ensemble n'en soit trop malmenée. Au fil de l'écoute, il est facile de retrouver les multiples influences citées par les deux musiciens, la plus évidente étant celle de Camel sur 'Never Letting Go', titre homonyme en forme d'hommage pastiche très réussi au groupe d'Andrew Latimer et Peter Bardens.
La musique qui s'étale généreusement sur près de soixante-quinze minutes est mélodieuse et facilement appréhendable : pas de dissonances, peu d'effets spéciaux et peu de cassures de rythme (tous concentrés sur les morceaux écrits par Luis Alfonso), la variété se fait d'un titre à l'autre mais rarement à l'intérieur d'un même titre. Hormis les passages parlés de 'Declaration Of Insanity' (rappelant "Be" de Pain Of Salvation), les "chœurs grégoriens" (à une seule voix !) de 'Out Of Tune' ou les cloches de 'Lost', la musique reste sage, presque trop. Elle est indéniablement agréable, et même assez riche, mais il manque une touche de folie pour la faire décoller.
Malheureusement, si les compositions s'écoutent avec plaisir et intérêt, elles se voient gâchées par le chant qui oscille du quelconque au calamiteux. Bruno Miguel manque de puissance pour assurer sur les titres à tendance métalloïde qu'il interprète et a souvent du mal à garder la justesse sur les notes tenues. Luis Alfonso fait pire car il détone complètement dans les graves : le début de 'Shooting Star' vrille les tympans et 'Out Of Tune', dotée pourtant d'une fort belle mélodie, en devient insupportable. De ce fait, les instrumentaux ('Lost', 'The Arrival', 'Never Letting Go', 'Sunrise Mists') ou les morceaux peu chantés ('Declaration Of Insanity') s'imposent facilement en tant que meilleurs titres. Le duo gagnerait assurément à devenir trio en s'adjoignant les services d'un vrai chanteur.
Comme je le disais en introduction, il est des albums plus faciles à chroniquer que d'autres. "Ignition" n'en fait pas partie, dû au grand écart que Flammärion fait entre l'agrément procuré par sa musique et la pauvreté de ses prestations vocales, soufflant le chaud et le froid sur un auditeur qui ne sait plus s'il doit utiliser ses mains pour applaudir ou se boucher les oreilles. Un premier essai d'un groupe amateur qui n'est donc que partiellement réussi malgré le potentiel dont il semble disposer.