Avec "Sound Of White Noise", Anthrax confirme la direction musicale empruntée sur son précédent album, qui délaissait déjà quelque peu la facette fun du groupe. Cette mutation s’illustre notamment par le remerciement de Joey Belladona au profit de l’ancien chanteur d’Armored Saint, John Bush. En effet, celui-ci possède une voix bien plus grave et moins typiquement Heavy que celle de son prédécesseur. Cette évolution s’exprime également par la disparition de titres 'fusion' dont Anthrax avait été un des précurseurs et par l’arrivée en tant que coproducteur de Dave Jerden qui avait officié précédemment chez Alice In Chains. Sans que l’on puisse être catégorique sur ce point, cette mue artistique semble être directement liée au récent succès de nouvelles formations qui, à l’instar de Pantera, ont durci et alourdi leur musique.
Dès l’entame de ce disque, avec les très véhéments 'Potter's Field' et 'Only', nous découvrons un groupe enragé et fougueux. Le chant profond et très agressif de Bush permet à Anthrax de gagner en maturité. Il en va de même des guitares qui se montrent plus lourdes et puissantes que par le passé, sans pour autant se défaire de leur propension à distiller des mélodies très faciles à mémoriser. Mais, ce surcroit d’agressivité ne se fait pas au détriment de la qualité mélodique des riffs et Anthrax parvient à combiner avec bonheur la puissance des parties de guitare avec de petits leitmotivs catchy du meilleur effet ('Only'). Les baisses d’inspirations sont plutôt rares et cet album massif se laisse écouter avec plaisir et aisance. Ainsi, même un 'Black Lodge' qui par moment flirte avec le dispensable, possède tout de même des côtés intéressants, notamment lorsque Angelo Badalamenti, le compositeur de la musique de Twin Peaks, intervient pour aider le groupe dans cet hommage au film de David Lynch.
Bien qu’excellent, ce "Sound Of White Noise" ne peut toutefois pas être considéré comme un chef d’œuvre des années 90 car il peine un peu à rester constant sur la longueur. Il montre cependant un groupe soucieux de se moderniser sans pour autant renier son passé et qui réussit à renouveler son propos. Il est à noter que la réédition de "Sound Of White Noise" datant de 2001 est particulièrement recommandable. Au-delà de l’excellent son dont elle dispose, cette version est agrémentée de nombreuses reprises aussi surprenantes que réussies comme 'Auf Wiedersehen' de Cheap Trick, de 'Cowboy Song' de Thin Lizzy et encore plus étonnant d’une reprise de The Smiths, 'London'.