Poursuivant son parcours en-dehors de toute mode musicale, Dead Can Dance continue ses expérimentations et sa ré-interprétation d'un certain patrimoine musical. Après avoir développé dans ses précédents albums une musique de plus en plus mystique, le duo Gerrard/Perry nous propose avec Aion un album basé essentiellement sur les codes de la musique médiévale, soit en utilisant les différentes structures pour composer ses morceaux, soit en reprenant carrément certains 'tubes' de l'époque, ré-arrangés pour l'occasion.
Nous retrouvons ainsi une Saltarello du 14è siècle, mais aussi un chant traditionnel catalan du 16è (The Song Of The Sybil), sorte de récitatif sur bourdon, magnifié par la voix de Lisa Gerrard, puissante et envoûtante, à même de coller des frissons à un pingouin ! Toujours dans le même esprit, nous retrouvons Fortune Presents Gifts Not According To The Book qui propose une mise en musique d'un poème issu de la même période puis The Promised Womb où un quatuor de violes de gambe nous projette en pleine Renaissance pour porter encore une fois au firmament les vocalises de la belle Lisa.
Si les bases musicales développées jusqu'alors dans l'œuvre du duo ne changent guère, l'ensemble se veut toutefois bien plus dynamique, et dans tous les cas moins tourné vers l'introspection que ne pouvait l'être par exemple la première partie de The Serpent's Egg. Point d'orgue d'église ni de tocsin par ici, mais une forte présence de percussions, avec en couronnement un Black Sun illuminé par la voix chaude de Brendan Perry, et dont la montée progressive portée par des rythmiques tribales est tout simplement magnifique. Et lorsque les voix se mélangent, les harmonies vocales de toute beauté se révèlent enchanteresses (The End Of Words).
Un petit tour du côté de l'orient (Radharc), mais également la présence pour la première (et dernière jusqu'à ce jour) fois de cornemuse, pour un titre aux accents médiévo/celtiques splendide (As The Bell Rings The Maypole Spins) complète ce voyage extraordinaire dans l'univers si particulier de Dead Can Dance, Aion se démarquant néanmoins quelque peu de ses prédécesseurs par une dynamique - pour ne pas dire joyeuseté - bien plus présente.
Alors que ceux qui ne parviennent pas à rentrer dans cette atmosphère spécifique aux albums de Dead Can Dance me pardonnent, mais une nouvelle fois je ne peux que conseiller cet opus en tous points réussi, et dont les qualités de composition, d'arrangement et d'interprétation sont rehaussées par une production étincelante.