S'il était encore assez rare il y a une vingtaine d'années, on ne compte en revanche plus aujourd'hui le nombre de one-man band, mode d'expression qui a surtout proliféré au sein du Black Metal dépressif et, dans une moindre mesure, le Doom funéraire. Sans doute, la trame minimaliste servant à explorer les arcanes de la douleur, démarche qui s'accompagne le plus souvent d'une forte misanthropie, se marie-t-elle bien avec cette vision des ressources humaines.
Déjà auteur d'une vingtaine de mortifiations (dont certes une bonne partie ne sont en réalité que de simples démos) en à peine cinq ans (!), Vlad Cristea Vales est donc de ses musiciens autistes qui ne peuvent pratiquer leur art que seuls, isolés. Avec Mistress Of The Dead, il arpente le caveau du Funeral Doom, sous-chapelle dont il sculpte les parois avec un monolithisme absolu et revendiqué.
White Roses, White Coffin ne diffère en rien de ses nombreux prédécesseurs. Il s'agit d'une oeuvre austère, pour ne pas dire hermétique, étouffante et extrêmement dépouillée dans son expression d'un Doom minéral et sacrificiel. Les quatre prières qui le composent semblent porter une faute immense dont on devine qu'elle ne pourra jamais être pardonnée. Il y a tant de tritesse et un tel sentiment d'inexorabilité qui suintent de ces riffs pétrifiés, de ce chant caverneux expulsé d'un gouffre sans fin, qu'il parait impossible de ne pas être profondément touché par cette musique puissemment émotionnelle.
D'une durée allant de 13 à 23 minutes, ces plaintes sont d'une telle lenteur engourdissante que parler de Doom, dans sa définition première, parait presque absurde. Le néophyte aura donc l'impression qu'il ne s'y passe absolument rien. A tort. Car c'est justement dans les silences et dans cette volontaire absence de vie que toute la puissance et la beauté de cet art de la douleur prend tout son sens.
Prisonnier d'une chape de plomb, un titre tel que "She Gave Me Her All"..., que fissurent des notes de pianos funèbres, semble ainsi ne jamais vouloir ni démarrer et encore moins s'achever. Monolothique dans le bon sens du terme, Mistress Of The Dead atteint quasiment une forme d'épure. Et croyez-le ou non, le genre est beaucoup plus difficile à maîtriser que ce que ses détracteurs aiment à le penser. Il ne suffit pas de jouer sur la durée ou la lenteur, il convient surtout d'être sincère dans son désespoir.
Le Funeral Doom est une musique qui se ressent et qui ne trompe pas. Le tchèque l'a bien compris, il en est d'ailleurs un des plus fidèles artisans. Hanté par la mort en même temps qu'acte de contrition, White Roses, White Coffin se révèle être une porte d'entrée idéale pour découvrir le bonhomme.