Voici le point d’orgue. A-Ha nous tire sa révérence avec cet ultime album, et sur la forme, de manière surprenante. Les trois instigateurs annonceront leur retrait de la scène musicale, peu de temps ensuite, après 25 années de bons et loyaux services. A noter que l’on jouera les prolongations avec une réédition de "Scoundrel Days" en 2010; impossible de reprocher aux Norvégiens, bien entendu, de ressusciter ainsi le plus glorieux chapitre de leur éminente carrière.
Pourquoi donc évoquer une démarche audacieuse, ou tout au moins, marquant une rupture ? D’abord, parce que "Foot Of The Mountain" délaisse les formats quelque peu allongés des trois albums précédents (15 titres sur "Lifelines"), pour un maximum de cohérence et d’efficacité mélodique : 10 morceaux qui se dégustent les uns après les autres, avec un plaisir à chaque fois renouvelé.
Ici, pas de prise de risque notable, hormis peut-être au travers du titre de clôture, l’indolent 'Start The Simulator'. Nonchalance payante, par ailleurs; le clavier et les vocalises paraissent s’enfoncer voluptueusement dans l’épaisseur moelleuse du sofa confectionné par la basse. Ce titre finit véritablement par imposer son bercement lancinant, à la fois cotonneux et scintillant, au fil des écoutes successives. Création audacieuse, ensuite, et surtout, par son empreinte en comeback aux couleurs... synthpop !
Sur l’ensemble, pas de chemin détourné, donc, mais un retour aux sources diablement accrocheur : les claviers s’affichent en grande forme pour venir fermer cette marche discographique, soutenus par une batterie (certes linéaire) à l’infatigable rythmique, le tout au service d’une production tenant bien la route et d’une qualité de composition qui semble ne pas vouloir prendre une ride.
Cette musique tombe dans l’oreille presque immédiatement, et vous donne les ailes de la liberté. 'Riding The Crest' et 'Mother Nature Goes To heaven' ont des airs d’évidence, et vous invitent à l’évasion maritime ou champêtre, qu’ils mêlent au ressourcement spirituel. Avec le titre éponyme, on se retrouve (effectivement) galvanisé par le sentiment de plénitude procuré par la vision de montagnes immaculées ; 'Nothing Is Keeping You Here' ne saurait mieux porter son nom, mené par un élan de renouveau salvateur qui prône le changement de vie, et 'Real Meaning' est certainement l’un des plus beaux modèles d’onirisme concoctés par Magne Furuholmen et Pal Waaktaar, sur un filet vocal délicieusement sibyllin et filigrané. 'Sunny Mystery' quant à lui vous propulse au rang de pilote d’essai, entre ciel et terre, dans un voyage épique semblant faire le tour du monde (d’ailleurs les paroles s’avèrent très en phase avec une telle imagerie, même si la narration ne porte pas en elle l’exactitude de cette description). Est-il nécessaire d’insister sur le potentiel évocateur de ce programme flamboyant, puissant antidote à la dépression?
"Foot Of The Mountain" est le projet terminal conjuguant la fougue des premiers albums synthpop et la sagesse philosophique et méditative propre à la dernière période musicale de A-Ha. N'est-ce pas une habile synthèse, pour ce final norvégien? Malgré les rabat-joie qui dénonceront en hurlant, à n’en pas douter, un honteux et mièvre retour à l’inspiration sucrée et commerciale des années 80. Mais quel scandale, oser encore une telle musique, en 2009 !
Tant pis, cette chronique viendra y faire écho : votre serviteur se fait ainsi un point d’honneur à rendre à cet album les mérites qui sont les siens.
Le rideau tombe, mais chapeau bas, et merci, messieurs les Norvégiens, pour avoir su envoûter nos sens de manière aussi homérique durant toutes ces années.