Au sein de la discographie de Kansas, “Audio-Visions” est le frère jumeau de "Monolith", paru 16 mois plus tôt. Dans l’histoire du groupe, ces deux albums marquent un tournant : raccourcissement des compostions, orientation plus rock que progressive, et surtout, en ce qui concerne “Audio-Visions”, nouvelle orientation des textes. De façon plutôt inattendue, c’est la conversion religieuse de Kerry Livgren qui est responsable de cet infléchissement.
Avec une conséquence qui est loin d’être un simple effet collatéral : le tandem Walsh-Livgren, qui était la base du succès de Kansas, et qui a donné des morceaux magnifiques, ne compose quasiment plus ensemble. Dans “Audio-Visions”, les deux acolytes ne cosignent qu’un seul titre, ‘Don’t Open Your Eyes’. Or Kansas, à l’instar de beaucoup de groupes, tels les Beatles avec Lennon-McCartney, ou Supertramp avec Hogdson-Davies (les exemples ne manquent pas) fonctionne en grande partie sur cette symbiose, déjà mise à mal dans “Monolith”.
Dans “Audio-Visions”, c’est jusqu’au son de Kansas qui change. Le violon, qui est une marque de fabrique du groupe, est ici moins utilisé, les développements instrumentaux sont plus concis, plus évidents (entendez : plus faciles). Il reste quand même un peu de la manière Kansas, dans le déjà cité ‘Don’t Open Your Eyes’, ou la longue intro de l’excellent ‘No One Together’. Nous retrouvons également de jolis moments mélodiques - ‘Hold On’, le slow efficace, ou ‘Back Door’ signé par Walsh, dont la mélancolie renvoie étroitement au ‘Reason To Be’ qui clôturait “Monolith”.
Pour le reste, la simplification déjà en route dans l’album précédent s’est amplifiée : ‘Got To Rock On’ est assez schématique, ‘Curtain Of Iron’, plutôt laborieux, et ‘Loner’, efficace mais sans surprise aucune. Les musiciens ne sont pas en cause : techniquement l’album est irréprochable, avec un Phil Ehart toujours aussi précis derrière ses fûts. Juste une remarque sur les paroles, qui tout en restant orientées message chrétien, sont suffisamment allusives pour rester supportables (nous sommes loin des appels à la prière d’un Neal Morse !).
Avec cet album en demi-teinte, Kansas va tourner une page de son histoire : Steve Walsh, le chanteur emblématique et compositeur essentiel au groupe, en désaccord avec l’orientation religieuse affichée de Kerry Livgren, décide de quitter Kansas pour une carrière solo où sa route croisera celle de Steve Morse, qui rejoindra Kansas en 1986 ...