Début 1984 : officiellement, le groupe Kansas n’existe plus. Le label Kirshner fait alors paraître une compilation (“The Best of Kansas”, 1984), une façon de fermer le ban. Mais voilà qu’un an et demi plus tard, Steve Walsh, séparé du groupe depuis la parution d’"Audio-Visions", se met en tête de faire revivre Kansas. Phil Ehart et Rich Williams répondent présent et se voient rejoindre par le bassiste Billy Greer, qui a travaillé avec Steve Walsh dans l’éphémère projet Streets après la séparation de Kansas. Pour renforcer la présence des guitares, ce dernier fait appel à Steve Morse, à l’époque connu comme fondateur du groupe de fusion The Dixie Dregs, et qui rejoindra ultérieurement Deep Purple.
Une fois le line-up connu, reste une grande question : quelle direction va suivre Kansas ? Kerry Livgren et Dino Elefante, sous couvert de promouvoir des textes chrétiens, avaient orienté la musique du groupe vers un AOR sans beaucoup d’âme, rangeant les velléités progressives aux oubliettes. Un comble pour un des rares groupes américains à promouvoir le prog dans les années 1974-79 ...
Autant dire que le fan attend les Américains au tournant. Et le premier contact avec “Power” est légèrement déroutant. Pas de contorsions progressives, mais un rock appuyé, proche du hard-rock, dynamique et équilibré. La plupart des titres évoluent entre un AOR dynamique (‘Power’, ou un ‘Three Pretenders’ pas si éloigné du Toto d'Isolation) et une pop plus moelleuse (‘All I Wanted’, le single qui connaîtra un certain succès). Les deux Steve, qui signent la majorité des titres, ont sérieusement durci la rythmique sur ce “Power” et Walsh se glisse avec aisance dans ce registre. Il rappelle par exemple dans l’hymne final ‘Can’t Cry Anymore’ qu’il est un sacré chanteur, beaucoup plus élégant que Dino Elefante. Quant à Steve Morse, dont le jeu n’est pas sans rappeler celui de Steve Lukather, il distille quelques soli techniques (‘We’re Not Alone Anymore’), bien soutenu par le reste du groupe qui fait une prestation impeccable (gros boulot de Phil Ehart sur ‘Musicatto’).
Alors, bien sûr, nous sommes loin des savantes constructions de la grande époque de Kansas. Mais il y a beaucoup plus d’ambition dans ce “Power” que dans les productions “Elefante “qui ont précédé. ‘Musicatto’ est un instrumental (le seul de Kansas) de très bonne facture, ‘Secret Service’ propose des variations courtes mais inattendues, et l’ensemble de l’album est sans temps mort. L’esprit est plus moderne, donc plus commercial, raisonnablement formaté. Il est possible de le regretter, mais Steve Walsh a eu ici le mérite de sortir un album attachant, à défaut d’être transcendant.