Avec le recul, il est permis de se demander si Patrick Mameli, en décidant de ressuciter Pestilence a eu une si bonne idée que cela. Incapable de satisfaire ni les fans de la première heure lorsque le groupe pataugeait avec bonheur dans les boyaux d’un Death Metal d’obédience floridienne ni ceux qui ont été séduits par le virage franchement expérimental négocié par Testimony Of The Ancients et Spheres, albums superbes dans leur modernité mais (trop) ancrés dans une époque aujourd’hui révolue, le Batave n’a de fait convaincu personne avec un Ressurection Macabre déjà oublié deux ans plus tard et qui a presque suffi à altérer une bonne part de l’aura culte dans lequel le groupe était maintenu depuis le milieu des années 90.
Corollaire de cette franche déception, nous n’attendions pas grand chose de son successeur. Or Doctrine, sans pour autant totalement effacer le morne souvenir laissé par son grand frère, lui est bien supérieur. Il faut dire que faire mieux n’était de toute façon pas trop difficile. Si Mameli n’a toujours pas appris à chanter, nous faisant regretter Martin van Drunen qui officiait sur Malleus Malleficarum et surtout Consuming Impulse, il a par contre (enfin) retrouvé une forme d’inspiration laquelle, si elle n’empêchera pas totalement Pestilence de n’être plus désormais qu’une formation parmi tant d’autres, lui permet de renouer un temps soit peu avec le foisonnement créatif de Spheres duquel se rapproche ce petit dernier.
Bien sûr, Doctrine ne va pas aussi loin que son glorieux (et incompris à l'époque) aîné dans l’expérimentation tout azimut ni dans ces délires aux confins du jazz, mais l’album a au moins pour lui de bons titres ("Amgod", "Malignant"), ramassés, puissants que propulsent une rythmique du feu de dieu reconnaissable entre mille ("Divinity", "Sinister" et sa basse fretless volubile). Ces compositions reposent sur un maillage ultra serré, dense, véritable orgie technique où les guitares décochent des soli venus d’ailleurs, maigres balises auxquelles l’auditeur pourra se raccrocher s’il ne veut pas s’égarer dans ce labyrinthe polyrythmique où se succèdent cassures et plans bizarres qui ne filent jamais droit.
Bien que cette complexité n’étonne plus personne, il n’en demeure pas moins que Mameli est cette fois-ci parvenu à couler ce qu’on nommait jadis le Techno Death dans une carapace contemporaine. Moins beau que Testimony Of The Ancients, moins novateur et avant-gardiste que Spheres, Doctrine fait cependant plaisir à entendre car il a nettemment plus de charme que Resurrection Macabre qui au final portait bien son nom. Après avoir raté son come back, Pestilence n’avait plus droit à l’erreur. Les Néérlandais l’ont compris et ont donc, en partie, rectifié le tir, sa principal faiblesse résidant toujours ses lignes vocales parfois à la limite du supportable. Même s’il aime à rappeler à ses détracteur qu’il fut bien le chanteur originel, Mameli serait bien inspiré de se concentrer sur ses parties de six cordes et de laisser le micro à quelqu’un dont c’est le boulot.
Malgré ce défaut récurrent dont on a l’impression qu’il grevait moins les deux opus des années 90, Doctrine est un disque correct. De là à affirmer que Pestilence pourra intéresser un autre public que celui qu’il drainait autrefois, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Comparé à celui de son ancien chanteur dont les albums d’Apshyx et de Hail Of Bullets furent de puissantes réussites artistiques et commerciales dans un créneau - le Death old school - intemporel, le retour du groupe hollandais n’apparaît cependant qu’à moitié convaincant. Espérons que la renaissance, attendue comme le messie, de Coroner, autre explorateur qui à la fin des années 80 a affolé le monde du metal avec sa musique en avance de plusieurs encablures, ne s’accompagne pas d’une telle déception…