Si certains groupes préfèrent cantonner leur musique à des sentiers bien balisés, dans l'hypothétique espoir de plaire à un large public, Herd Of Instinct ne fait assurément pas partie de ceux-là.
"Prise de risque maximale" est certainement le leitmotiv que le groupe s'est répété en boucle avant de produire son premier album éponyme, et le premier titre, 'Transformation', nous plonge sans préambule dans un crescendo angoissant de superpositions d'instruments (vibraphone, claviers, percussions) évoquant une dramatique scène de crime d'un quelconque film policier. Pas le temps de se remettre de ses émotions que le dissonant mais intriguant 'Room Without Shadows' vous donne le tournis par sa musique multidirectionnelle aux percussions omniprésentes. Un titre rappelant furieusement King Crimson période "Discipline".
Bien que complexes et peu mélodieux, ces deux titres de qualité constituent une entrée en matière qui capte immédiatement l'attention de tout mélomane en quête de musique non conventionnelle. Certes, la suite de l'album ne peut en aucun cas être qualifiée de convenue, mais elle ne saura pas reproduire la grâce magique atteinte par ses deux morceaux d'introduction. Si 'Road To Asheville' arrive encore à donner le change avec l'exotisme languissant tiré des improvisations d'une flûte très en verve, 'Hex' finit par décourager irrémédiablement les meilleures volontés par ses brusques changements mélodiques toutes les 15 secondes.
Herd Of Instinct pratique à grand échelle une musique basée sur l'improvisation et les dissonances. Les instruments, fort nombreux, semblent jouer en free style, selon l'inspiration de leurs interprètes, les percussions omniprésentes s'avérant soulantes à la longue (il est vrai que HOI ne compte pas moins de cinq percussionnistes). Au mieux, certains titres ('Room Without Shadows', 'Anamnesis', 'The Face Of Another') rappellent-ils le King Crimson version agressive et expérimentale. Mais King Crimson avait l'intelligence (le génie ?) d'alterner titres torturés et compositions inspirées faisant preuve d'une belle empathie. De cette opposition naissait une complémentarité entre passages tourmentés et complexes, et mélodies lumineuses et enchanteresses, sachant renouveler sans cesse l'intérêt et le plaisir de l'auditeur. En n'en conservant que le côté aride, HOI rend sa musique un peu trop hermétique. Certes quelques passages sont plus généreux (la minute trente atmosphérique de 'Vibrissa', enfin sans percussions (ouf !), les mélopées asiatiques de Kris Swenson sur 'Possession', mieux inspirée sur ce titre que sur 'Blood Sky'), mais ils demeurent trop rares pour susciter un réel engouement.
Explorant de trop nombreux univers musicaux sans véritable ossature mélodique, austères et expérimentaux, Herd Of Instinct réussit l'exploit d'être à la fois déconcertant et lassant. Peut-être qu'après de nombreuses écoutes, l'auditeur persévérant sera récompensé, mais il faudra beaucoup de courage pour s'ingurgiter ces titres peu attractifs dans le seul espoir de découvrir si de l'habitude peut naitre le plaisir.