A peine un an après son premier album "Angst", Lacrimosa se rappelle au bon souvenir de son public avec "Einsamkeit". Après l'angoisse, la solitude. Les titres des albums parlent d'eux-mêmes : peu de chance de danser bras-dessus, bras-dessous à l'écoute de la musique dispensée par le groupe allemand.
Rappelons que Lacrimosa est le one-man project de Tilo Wolff, qui tient à vingt ans les rôles d'auteur-compositeur, multi-instrumentiste, producteur et graphiste à ses heures perdues, aidé dans sa tâche par quelques fidèles (ils peuvent ainsi être qualifiés, puisque les musiciens qui l'accompagnent sont les mêmes que ceux qui ont œuvré sur "Angst").
Musicalement, "Einsamkeit" est dans la même veine que "Angst" : un rock gothique très sombre, même lugubre, des tempos lents qui égrènent des mélodies assez répétitives, des effets sonores tirés d'une bande-son de films d'épouvante, des textes chantés en allemand qui déclinent la mort, la peur, la solitude et l'abandon de mille façons et une voix caverneuse, désincarnée.
Cependant, contrairement à son prédécesseur qui faisait preuve d'une belle homogénéité au risque de faire sombrer l'auditeur dans une certaine lassitude, "Einsamkeit" s'essaye à une certaine diversité avec plus ou moins de réussite. 'Tränen der Sehnsucht' alterne de beaux passages instrumentaux dépouillés et des passages chantés beaucoup moins convaincants... Le chant est plat, les instruments très en retrait et la mélodie disgracieuse. 'Diener eines Geistes' mélange un thème new wave à des psalmodies quasi-religieuses sans aucune transition, l'opposition de ces deux styles étant trop tranchée pour être agréable. 'Loblied auf die Zweisamkeit' ressemble à un assemblage de notes étirées et de percussions anémiques. La mélodie tourne en boucle sur dix notes avant de céder la place à un chant tribal sur fond de cloches puis à des grandes orgues. Très répétitif et vaguement ennuyeux.
A l'opposé, les accents tragiques de 'Reissende Blicke', 'Einsamkeit' et 'Bresso' s'insinuent au plus profond de votre âme pour créer un malaise persistant, preuve irréfutable de l'intelligence des compositions. Tilo Wolff quitte les graves pour s'essayer dans les médiums, donnant un relief tour à tour vibrant et inquiétant à son chant. La musique est lente, dramatique, et même quand elle prend des airs de fête foraine ('Einsamkeit'), elle rappelle plus le train fantôme que le stand de barbe à papa. Mais la tristesse qui nimbe ces trois titres vous attire comme la lueur de la flamme attire les papillons de nuit : il en émane une beauté sulfureuse qui vous brûle le cœur.
'Einsamkeit' reste comme son prédécesseur un album imparfait, bancal, parfois troublant, parfois irritant. Si les amateurs de Lacrimosa pourront trouver dans ce disque le plaisir qu'on éprouve à découvrir les premiers pas de leur idole, les néophytes éviteront de commencer la discographie de ce groupe par cet opus inégal.