Ceux qui ont été hypnotisés par les effluves cosmiques de Join Inn seront certainement mécontents, sinon déçus par son successeur, Starring Rosi, étonnement accessible en comparaison. De nouveau seul aux manettes après le départ d’un Klaus Schulze de toute façon revenu uniquement pour le dépanner, Manuel Göttsching tient plus que jamais la barre d’Ash Ra Tempel, navire qui tend de plus en plus à se confondre avec son capitaine. Pour être différente de son irréelle devancière, cette cinquième offrande n’en demeure pas moins un pur joyau.
Comme pour confirmer son titre, l’album débute par le rire de Rosi, dont c’est la dernière apparition au sein du groupe (?). Mais très vite, "Laughter Loving" se fraye un chemin dans le rock psychédélique à la Amon Düül II. Instrumental, ce morceau permet au guitariste de libérer ces notes aériennes dont il a le secret grâce à son jeu plein de finesse. Il semble davantage caresser, effleurer les cordes que les gratter ce qui lui permet de faire décoller sa Gibson très haut, tout là-haut vers des sphères infinies, vierges de toute présence humaine car elles sont d’habitude le domaine des dieux.
Si "Day-Dream" est un écrin cristallin pour la voix de la jeune femme, dont les lignes vocales sont soulignées par celles égrenées par Manuel, "Schizo" est un court instrumental touché par la Grâce divine, cependant que "Cosmic Tango", ponctué par le chant de Rosi noyé sous les effets, ressemble à un dialogue (forcément) cosmique entre la belle et les interventions psyché de son compagnon. Mais c’est bien le monumental "Interplay Of Forces", long de près de 8 minutes qui propulse Starring Rosi vers les sommets. Au rythme de percussions enlevées, Göttsching y déploie tout son talent avec une flamboyance, une liberté à même de faire passer David Gilmour pour un débutant.
Le disque s’achève sur le beau "The Fairy Dance", sorte de ballade acoustique à la simplicité touchante, et sur le stratosphérique "Bring Me Up", émaillé de quelques parties vocales féminines et masculines. Bien que secondés par divers musiciens dont sa douce, présente sur une poignée de chansons, c’est finalement bien le guitariste qui reste le seigneur de l’album. Sa guitare, virtuose sans pour autant s’embourber dans la démonstration stérile, emplit tout l’espace de ses sonorités cette fois-ci plus psychédéliques que vraiment cosmiques. Son successeur, le gigantesque et évanescent Inventions For Electric Guitar, publié sous le nom de Manuel Göttsching mais vendu comme le sixième Ash Ra Tempel confirmera cette double évolution formelle et humaine.
Starring Rosi est encore une excellente pioche dans la discographie du groupe, dont elle démontre plus que jamais l’esprit aventureux qui le nourrit avec en sus, cette patine seventies qui, loin de la recouvrir d’un voile de désuétude, lui confère une bonne partie de son charme.